Chaque année, c’est le même refrain, que l’on redoute : les dates du début du mois de ramadan et de fin font débat. Après quelques années de calme, le débat est de nouveau revenu sur la table. La faute, principalement, à la Grande mosquée de Paris. Le Conseil français du culte musulman (CFCM) a, comme l’an dernier, fixé la date de l’Aïd el-Fitr. Mais pour la GMP, pas question de se prononcer, la date sera arrêtée durant la Nuit du doute, ce lundi 8 avril.
Etonnant quand on sait que le CFCM et la GMP, sous la présidence de Dalil Boubakeur, avaient adopté le principe du calcul astronomique. Aujourd’hui, la mosquée de Paris est la dernière institution musulmane à organiser les réunions pour déterminer le début et la fin du mois de ramadan, et donc pour fixer la date de l’Aïd.
Si la GMP tente d’expliquer cela en insistant sur le fait que Nuit du doute « est bien plus qu’une simple observation du ciel à la recherche du croissant de lune » et qu’il ne faut pas « ôter à ce rituel toute sa dimension spirituelle et religieuse », force est de constater que conserver une Nuit du doute est anachronique — la GMP précise pour se défendre que, « aussi précises soient-elles, toutes ces méthodes modernes de calculs ne sauraient remplacer les signes et les sources de la foi » — mais surtout stratégique pour la GMP.
La Grande mosquée de Paris, en effet, tente de garder une certaine mainmise sur la vie des musulmans français et tente d’apparaître comme indispensable à leurs yeux, alors qu’elle a perdu de son influence année après année. À quoi servent ces Nuits du doute quand des pays comme la Turquie et bien d’autres ont décidé de suivre les calculs astronomiques ? Chems-Eddine Hafiz est-il seulement au courant que, depuis la fin des années 1970, même les membres de la Ligue islamique mondiale s’appuient sur le fait que le Coran parle du calcul astronomique et qu’il faut exclure les erreurs en s’aidant de ce calcul ?
Laisser planer le doute permet également à la GMP de calquer sa décision sur le comité d’observation de la Lune de la Cour suprême d’Arabie saoudite. S’appuyer sur l’observation de la Lune pourrait cependant s’avérer utile si la GMP le faisait vraiment… Or, il faudrait techniquement, au minimum, attendre la fin de la prière du Ichaa pour avoir une chance d’observer l’apparition ou non de la Lune. Sauf que la GMP publie toujours ses communiqués… avant la prière du Maghrib.
Ces réunions de la Nuit du doute dans les locaux de la GMP symbolisent toute l’hypocrisie d’une institution. Pendant ce moment, des personnes, réunies sous la présidence du recteur Hafiz, se retrouvent simplement dans un bureau, sans aucun contact avec un quelconque astronome ou un centre d’astronomie en France. Et les discussions, en général, consistent à savoir si (et surtout quand) l’Algérie et l’Arabie saoudite ont fixé la date du début du ramadan ou de l’Aïd.