Invités à une conférence universitaire à Bruxelles, Tariq Ramadan et Philippe Moureaux, le bourgmestre du quartier de Molenbeek, ont échangé sur la radicalisation et la place de l’Islam en Belgique.
A l’initiative du think tank European Muslim Network, présidé par Tariq Ramadan, une rencontre-débat a été organisée ce mardi à l’Université Catholique de Louvain – l’une des plus réputées du pays. Au programme : « L’Europe face à la « radicalisation : de la nécessité d’un engagement commun ». Un événement auquel, outre l’islamologue et essayiste suisse, a participé Philippe Moureaux, le bourgmestre du fameux quartier bruxellois de Molenbeek, médiatisé suite aux attentats de Paris de novembre dernier.
Par la présence de Ramadan comme de Moureaux, l’annonce de l’événement avait suscité un tollé, eu égard au statut de « polémiste » généralement appliqué aux deux hommes en Belgique. Accompagnés du sociologue spécialiste de l’Islam François Burgat, les intervenants ont répondu à leur manière par un niveau de débats élevé et contradcitoire. Pour ce dernier, le phénomène de radicalisation serait la conséquence d’un « post-colonialisme » permannet chez les Occidentaux, prompts à mener des campagnes militaires dans les pays arabes et musulmans. Ce qui, par réaction, inciterait les jeunes d’origine immigrée à s’investir de manière radicale dans la défense de leur identité religieuse et communautaire menacée.
Les inégalités sociales, terreau de la radicalisation
Si Moureaux ne rejette pas entièrement l’analyse du sociologue, il n’en reste pas moins attentif à recentrer la question sur son véritable noeud : le manque de reconnaissance de cette frange de la société. “On est obsédé par la question du radicalisme. C’est un problème important c’est vrai. Mais on ne peut pas réduire au silence la frustration, la situation sociale dégradée et l’image de cette société qui ne respecte pas certaines personnes”, a souligné le bourgmestre. Les inégalités sociales qui frappent la population d’origine étrangère fourniraient, à son avis, l’explication la plus pertinente au cycle infernal de la radicalisation.
Selon Tariq Ramadan, c’est davantage un ensemble de facteurs – tant personnels que sociaux – qui est à prendre en considération. Des raisons psychologiques voire religieuses, mais aussi politiques et sociales s’enchevêtrent pour faire sombrer des jeunes dans la radicalisation. Et le philosophe n’oublie pas, au passage, d’insister sur les premières et principales victimes du terrorisme d’inspiration islamiste : les musulmans eux-mêmes. « Le terrorisme fait en premier lieu deux victimes : les musulmans, dont la réputation est touchée, et le pluralisme », précise Tariq Ramadan. Qui critique par ailleurs la vacuité du débat sur l’Islam, qui a pris une ampleur considérable en France avec l’affaire des burkinis. « Il y a une contagion de la France sur la Belgique. Il ne faut pas croire que c’est comme cela partout en Europe ! », a-t-il insisté.