samedi 23 novembre 2024
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Clause Molière : « Nous avons le sentiment de ne plus être chez nous »

« Nous avons le sentiment de ne plus être chez nous. » Ces propos sont ceux d’une représentante du personnel CGT de la société GH Team Passenger Services, dont l’activité principale est l’assistance aux compagnies aériennes à l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle. Dans un courriel envoyé en août dernier aux responsable d’exploitation, directeur des ressources humaines et chefs de service de sa société pour dénoncer des « intrusions dans les locaux », la représentante CGT s’étonne que des personnes extérieures à la société parlent « parfois dans un dialecte d’Afrique du Nord », ce qui met, peut-on encore lire, « mal à l’aise » les autres salariés. Le Syndicat des transports et des activités aéroportuaires sur les aéroports parisiens (STAAAP) s’est insurgé contre ces propos, une pétition et un mouvement de grève ont également été lancés. « Ce type de discours décomplexé et son cautionnement sont l’expression de cette montée du racisme que l’on peut constater un peu partout actuellement », nous explique-t-on du côté du STAAAP.

Parler français sur les chantiers publics

Mais au lieu de sanctionner ceux qui tiennent de tels propos discriminatoire — ni GH Team Passenger Services ni la CGT n’ont voulu s’excuser auprès de leurs salariés d’origine maghrébine —, les politiques vont dans leur sens en tentant d’imposer un peu partout la « clause Molière. » Celle-ci, déjà en place dans plusieurs régions de France, a pour objectif de privilégier les entreprises qui emploient des travailleurs parlant le français, indique Le Monde. Une clause déjà adoptée par Laurent Wauquiez dans sa région Auvergne-Rhône-Alpes ou, plus récemment, par Valérie Pécresse en Île-de-France pour les chantiers publics. Cette mesure pourrait, explique la présidente de région, s’appliquer pour les secteurs « des travaux publics, du transport, de la formation professionnelle, des activités de conseil, etc. » Pour le vice-président chargé de l’économie, Jérôme Chartier, « cette clause est nécessaire et vise les entreprises étrangères qui viennent avec leurs équipes, sans qu’aucun ne parle français. » Au fond, c’est plutôt le fait que ces salariés détachés paient leurs cotisations sociales dans leur pays et non en France qui dérange.

« On n’a pas besoin de parler français pour construire un mur »

Si officiellement, cette clause a pour but d’en finir avec les travailleurs détachés, elle est le symbole de l’entre-soi français. Demain, il sera donc interdit de parler arabe, portugais ou polonais sur des chantiers. Que se passera-t-il quand la France manquera de main-d’œuvre et devra alors faire appel à des étrangers ? Surtout, cette « préférence locale ou nationale n’est (…) pas légale », estime dans Le Monde Me Pierrick Gardien, avocat spécialiste de droit public au barreau de Lyon. Le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Henri-Michel Comet, estime que cette clause « est non conforme aux textes européens » et a appelé Laurent Wauquiez a revenir sur sa décision. Ce dernier lui a opposé une fin de non-recevoir. Fin avril, Laurent Wauquiez, puis Valérie Pécresse, pourraient être renvoyés devant un juge administratif en déféré préfectoral, indique le juriste. Et la décision risque d’être sans appel : comme dans l’affaire du burkini, les présidents de régions avancent, pour imposer la clause Molière, la sécurité. Mais comme le résume Me Gardien, « on n’a pas besoin de parler français pour construire un mur. » La mort de la clause Molière ne pourrait donc être qu’une question de semaines. Même si certains on le sentiment de ne plus être chez eux.

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