Malgré le départ de Manuel Valls de Matignon et alors que la loi portant prorogation de l’état d’urgence « est caduque à l’issue d’un délai de quinze jours francs suivant la date de démission du gouvernement, ou de dissolution de l’Assemblée nationale », selon les textes, l’état d’urgence a bel et bien été maintenu. Une décision confirmée par les parlementaires, qui ont même décidé, mercredi dernier, de prolonger le dispositif jusqu’au… 15 juillet 2017. Si de nombreux militants associatifs s’opposent à cette prolongation de l’état d’urgence, ils sont loin d’être les seuls. En effet, le Conseil d’Etat et même la Commission nationale consultative des droits de l’Homme affirment leur réticence quant à la décision des parlementaires.
« L’état d’urgence doit demeurer temporaire »
Pour le Conseil d’Etat, « la succession des prorogations de l’état d’urgence peut conduire à des durées d’assignation à résidence excessives. » Se penchant sur ce dispositif le 8 décembre dernier, dans un avis transmis au gouvernement, la plus haute juridiction administrative a par ailleurs recommandé au gouvernement de limiter la durée maximale d’une assignation à résidence « à douze mois. » Le Conseil d’Etat ajoute que « l’état d’urgence doit demeurer temporaire », là où il est actuellement en train de devenir permanent. Le Conseil, qui s’inquiète surtout des abus qui découlent de l’état d’urgence. La juridiction rappelle d’ailleurs que les « menaces durables ou permanentes doivent être traitées, dans le cadre de l’Etat de droit. »
Même son de cloches du côté de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH), qui vient de rendre un avis « contre un état d’urgence permanent », publié ce jeudi. Concernant le prolongement de l’état d’urgence, la CNCDH rappelle que la décision des parlementaires a pour conséquence de « porter à vingt mois la durée cumulée de l’état d’urgence, depuis sa déclaration le 14 novembre 2015. » La Commission indique « que l’état d’urgence, état d’exception, ne (peut) devenir permanent » et « s’alarme de son installation dans le fonctionnement habituel des institutions de la République. » « Pour la CNCDH, l’inscription de l’état d’urgence dans la durée fait courir à la démocratie divers dangers », peut-on lire. L’instance appelle « les pouvoirs publics à mettre fin à l’état d’urgence et à renoncer sans délai au droit de dérogation. »