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La Coupe du monde de football ne réconciliera pas les pays du Golfe

Il était impensable que le Mondial-2022 de football au Qatar passe de 32 à 48 équipes en raison des fortes rivalités régionales, mais la tenue en elle-même de cette compétition pourrait offrir l’occasion d’un dégel des relations dans le Golfe, estiment des analystes.

L’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, Bahreïn et l’Egypte, qui ont rompu tout lien avec Doha depuis bientôt deux ans, pourraient en effet faire face à la pression de leurs supporters et assouplir leurs restrictions sur les voyages au Qatar.

Il y a eu « des semaines et des mois de discussions sur tout et n’importe quoi. Mais il n’y a jamais eu la moindre chance que la Coupe du Monde 2022 soit élargie » à 48 équipes, affirme James Dorsey, chercheur à la S. Rajaratnam School of International Studies de Singapour et auteur de « The Turbulent World of Middle East Soccer ».

Mercredi, la Fifa a annoncé que le Mondial-2002 au Qatar se jouerait à 32 équipes, renonçant à son projet qui impliquait l’organisation de rencontres dans au moins un pays voisin –l’émirat gazier ne dispose pas des infrastructures pour accueillir un tournoi à 48.

« Nous étions aussi aux deux tiers de la route vers la Coupe du Monde, c’est une étape très tardive pour changer les choses », ajoute M. Dorsey.

« Trop petit »

Tobias Borck, analyste au Royal United Services Institute, rappelle que la principale pierre d’achoppement pour l’expansion du tournoi était l’embargo imposé par certains des voisins du Qatar.

Depuis le 5 juin 2017, l’Arabie saoudite et trois de ses principaux alliés mènent une politique d’isolement du Qatar, qu’ils accusent de soutenir des groupes islamistes radicaux –ce que Doha dément– et de se rapprocher de l’Iran.

Ils ont interrompu les liaisons aériennes, terrestres et maritimes avec Doha et empêchent leurs citoyens de visiter ce pays.

« Le Qatar était trop petit pour (un Mondial à 48 équipes) et les seuls pays qui auraient été en lice auraient été les autres pays du Golfe, ce qui était impossible », souligne M. Borck.

« La Fifa devrait peut-être se concentrer sur le football au lieu d’essayer de gagner le prix Nobel de la paix », ajoute-t-il.

Selon une étude de faisabilité de la Fifa, la seule façon d’élargir le tournoi aurait effectivement été d’inclure d’autres pays du Golfe, comme Oman ou le Koweït.

Cependant, ces deux pays, neutres dans la querelle régionale, n’ont pas montré d’intérêt particulier à co-organiser la compétition élargie, une idée défendue depuis longtemps par le président de la Fifa, Gianni Infantino.

« Il n’y a pas beaucoup de sujets sur lesquels les puissances mondiales s’entendent (…). Mais elles veulent (toutes) que cette crise se termine dans le Golfe le plus tôt possible », souligne James Dorsey.

« Sauver la face »

« Mais elles n’y sont pas parvenues et il n’y a aucune raison pour que M. Infantino sorte un lapin du chapeau quand personne d’autre n’y est parvenu », poursuit-il.

M. Dorsey laisse entendre que le Qatar s’est montré efficace face à la volonté de la Fifa d’élargir le tournoi, Doha n’ayant ni accepté ni ouvertement rejeté l’idée.

« Le Qatar a été très médiocre en matière de relations publiques au début de la controverse sur la Coupe du Monde. L’une des choses qu’ils ont apprises, c’est qu’on ne dit pas +non+. On dit +peut-être, parlons+. C’est ce qu’ils ont fait avec la proposition de 48 équipes, mais ils ne l’ont jamais rejetée d’un revers de la main publiquement ».

Malgré l’impasse entre le Qatar et ses rivaux arabes, James Dorsey suggère que le Mondial-2022 pourrait permettre d’autoriser les citoyens de ces pays à venir à Doha.

« Que se passera-t-il en novembre-décembre 2022 si le Qatar accueille la Coupe du Monde et que le boycott économique et diplomatique est toujours en place? Les détracteurs du Qatar ont un problème », selon lui.

« C’est une partie du monde où le football déchaîne les passions. C’est le plus grand tournoi du monde qui se déroule de surcroît pour la première fois dans le monde arabe », rappelle-t-il.

Selon M. Borck, « si les Saoudiens, les Egyptiens ou les Emiratis se qualifient, ils participeront (au tournoi), comme le Qatar l’a fait lors de la Coupe d’Asie », qui s’est tenue en début d’année aux Emirats.

« On peut supposer qu’il y aura un moment où l’Arabie saoudite, les Emirats et les autres réaliseront qu’ils ont besoin d’une solution pour sauver la face », ajoute M. Dorsey. « Quelque chose qu’ils ont rejeté d’un revers de la main jusqu’à maintenant (…), peut-être la Coupe du Monde créera-t-elle cette opportunité ».

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