Notre chroniqueur Karim Achoui revient sur le drame qui a endeuillé la France en début de semaine, le meurtre de deux policiers dans leur pavillon d’Île-de-France.
Ce lundi 13 juin 2016 au soir, alors que le doux nuage du crépuscule allait recouvrir un monde dur et brutal de songes, alors qu’il aurait pu bercer de douceur les rêves d’hommes et de femmes rentrés chez eux, paisibles, ce lundi 13 juin, au soir, c’est en fait une nuit noire et de cauchemars qui a recouvert du voile obscur du deuil le monde. Ce lundi 13 juin, alors que la pluie, comme autant de larmes froides, glaciales, s’effondraient sur la région parisienne, Jean-Baptiste Salvaing et sa compagne, Jessica Schneider, ont été sauvagement tués par Larossi Abdalla, un jeune homme radicalisé, muni de l’arme la pire qui soit : celle de la haine folle, poussant au rejet violent de l’autre. Larossi Abdalla a pénétré leur pavillon de Magnanville, pénétrant donc leur intimité, violant leurs vies.
« Mon cœur saigne et mes chairs sont traversées de douleur »
Daesh a revendiqué cet acte terrible et manifestement terroriste. Daesh maintient toujours et encore le culte de la terreur, faisant entrer le mal, au sein même de nos maisons, propageant un sentiment d’insécurité, de peur, voire de paranoïa. Désormais, le danger ne s’arrêterait pas sur le pas de notre porte, il viendrait y frapper sans prévenir, s’engouffrerait chez nous, pour venir nous attraper, y dévorer nos âmes, y lécher nos coeurs du poison de l’horreur. Lundi soir, un jeune enfant de trois ans, l’enfant du couple, assistait au drame, à cette mise à mort, à cette exécution. Mon cœur saigne et mes chairs sont traversées de douleur, en imaginant ces vies arrachées, et la vie de cet enfant heurtée, blessée, pour toujours, à jamais. Lui, qui restera marqué au fer rouge par l’horreur… enfant de la terreur, génération de la peur.
Il nous faut lutter pour offrir à nos enfants un avenir meilleur, ne pas accepter qu’une génération grandisse dans cette terreur! C’est apparemment ce à quoi s’évertuaient en partie les deux victimes, deux personnes appréciées de leur entourage, habitées par l’idéal d’un monde meilleur, plus juste, plus serein, et qui ont malheureusement subi une violente exécution, parce qu’elles étaient policiers : lui à la brigade de sûreté urbaine, puis à la BAC, avant de devenir chef-adjoint des unités de police judiciaire ; elle, adjointe administrative au commissariat de Mantes-la-Jolie. Ils ont été tués parce qu’ils incarnaient l’ordre, mais leur symbole, par leur mort, ne mourra pas, ne disparaîtra pas, au contraire il survivra plus que jamais, le risque étant même que l’état d’urgence soit bêtement renforcé, que le réactionnisme s’impose, que les amalgames et la paranoïa se multiplient. En revanche, Larossi Abdalla a bien emporté leurs vies, la vie d’individus, qui, au delà de policiers, étaient un homme et une femme, des enfants, des parents… Soyons tous unis face à l’horreur, au-delà des amalgames et de l’obscurantisme, bravons la peur et l’horreur ensemble.