Auteur jordanien de confession chrétienne, Nahed Hattar a été tué dimanche devant le tribunal d’Al Abdali, au centre de la Jordanie, alors qu’il devait comparaître pour incitation aux dissensions confessionnelles et insulte à l’Islam suite à la diffusion d’une caricature.
Ils étaient près de 300, ce lundi, à protester devant le premier ministère, à Amman, exigeant la démission du gouvernement pour l’assassinat la veille de Nahed Hattar. Cet écrivain jordanien de 56 ans, de confession chrétienne, s’est écroulé sur les marches du tribunal d’Al Abdali après avoir été atteint par trois tirs de balle. Il devait comparaître pour un procès intenté à son encontre, suite au partage sur son compte Facebook d’une caricature considérée comme offensante pour l’Islam et incitant aux dissensions religieuses. Il pouvait écoper d’une peine allant jusqu’à trois ans de prison, selon le code pénal jordanien.
Intitulée « Dieu des Dawaech » (pluriel désignant les membres de Daesh), le dessin montre un homme barbu, allongé sur un lit au paradis entre deux femmes, à l’intérieur d’une tente. Il s’adresse à Dieu, représenté par un homme aux cheveux et à la barbe blancs et portant une couronne. Il lui demande d’apporter un verre de vin, des noix de cajou, de débarrasser les plateaux vidés et d’amener quelqu’un pour nettoyer le sol. Avant de lui faire remarquer qu’il devrait installer une porte, ce qui lui permettrait de toquer avant d’entrer.
Les ONG dénoncent une atteinte à la liberté d’expression
La famille a refusé de récupérer le corps du défunt tant que les instigateurs du crime n’auront pas été « mis devant leurs responsabilités », comme l’a précisé à l’AFP le frère de Nahed Hattar. La famille accuse le gouvernement de Hani Mulki d’avoir failli dans la protection de la victime, qui aurait reçu des centaines de menaces de mort. « Nahed avait demandé une protection policière mais quand il a été relâché de sa garde à vue, il a dû signer un document certifiant qu’il était seul responsable de sa propre sécurité », a souligné à l’agence de presse Petra Mary Hattar, une des cousines.
Une famille soutenue par des organisations des droits de l’homme, immédiatement montées au créneau pour signaler les atteintes à la liberté d’expression. Un porte-parole d’Amnesty International a ainsi qualifié le meurtre de « déplorable », et estime que le fait même d’avoir intenté un procès était une « attaque inquiétante contre la liberté d’expression ». Sarah Leah Whitson, directrice de Human Rights Watch pour le Moyen-Orient, renchérit en dénonçant « l’absurdité » des charges du gouvernement contre Hattar, pour un dessin dont il n’est pas l’auteur mais qu’il a seulement partagé sur son réseau social. « Le gouvernement jordanien devrait immédiatement suspendre les poursuites pour « diffamation religieuse » – qui contribuent à un extrémisme violent – (…) et permettre aux citoyens d’engager un débat pacifique sur les sujets dits tabous », a-t-elle conclu. Il est à noter que cet assassinat, et les soubresauts sociaux qui en découlent, intervient quelques jours après la tenue d’élections législatives qui ont ramené les Frères musulmans au Parlement.