« Par expérience, les victimes des élections israéliennes, c’est toujours nous et je ne crois pas que ça va changer ». Comme Tayssir Barakat, beaucoup de Palestiniens n’attendent pas grand-chose des législatives en Israël début avril. En tout cas rien de bon.
Pour ceux qui suivent la campagne, l’une des principales préoccupations est la crainte de voir s’amplifier le discours de haine contre les Palestiniens, alors que les négociations de paix israélo-palestiniennes sont enlisées depuis 2014.
« On espère du changement, mais le plus probable, c’est que rien ne change véritablement », dit Tayssir Barakat, 58 ans, sacs de courses à la main sur un trottoir de Ramallah en Cisjordanie.
A la tête du gouvernement considéré comme le plus à droite de l’histoire d’Israël, Benjamin Netanyahu a pris ses distances avec la solution dite à deux Etats (la création d’un Etat palestinien au côté d’Israël) telle qu’envisagée par la communauté internationale.
Certains membres de sa coalition la rejettent carrément, cherchent à étendre les colonies et plaident pour l’annexion de larges pans de Cisjordanie.
Le parti Likoud de Benyamin Netanyahu était donné vainqueur en début de campagne, malgré la menace d’inculpation pour corruption pesant sur le Premier ministre. Mais il fait face à présent à une sérieuse concurrence avec la liste centriste de l’ex-chef d’état-major Benny Gantz.
Ce dernier s’est dit ouvert au retrait de colons de certaines parties de Cisjordanie mais il n’a jamais mentionné la solution à deux Etats.
« Pour l’instant, nous ne voyons pas de différence fondamentale » entre les deux listes, dit Saleh Rafat, membre du Comité exécutif de l’Organisation de libération de la Palestine.
« Ils sont pour une Jérusalem unifiée, la poursuite de la colonisation et le contrôle (par Israël) de la vallée du Jourdain ».
« Aucun parti israélien ne parle de la question palestinienne, et ceux qui le font emploient le langage d’une occupation brutale », dit Hafez al-Barghouti, ancien éditorialiste palestinien.
Les principaux candidats restent très discrets sur l’initiative diplomatique que le président américain Donald Trump, grand allié de Netanyahu, est censé présenter après les élections.
« La droite, le centre et la gauche se sont mis d’accord pour ignorer la question palestinienne et pour se concentrer davantage sur la légalisation de la marijuana », un des thèmes de la campagne, juge l’analyste.
Les Palestiniens craignent que la campagne israélienne ne favorise les sorties haineuses contre eux et les Arabes en général.
Le Palestine Institute for Public Diplomacy (PIPD) a récemment publié une campagne mettant en lumière selon lui les discours de haine contre les Palestiniens sur les réseaux sociaux en Israël.
« L’incitation à la haine et la haine sont devenues bien plus normalisées dans la société israélienne », juge le directeur du PIPD, Salem Barahmeh. « La rhétorique de campagne de nombreux politiciens israéliens cherche à déshumaniser toute une population ».
Aux élections de 2015, M. Netanyahu avait joué sur les peurs à droite en brandissant le spectre d’électeurs arabes israéliens se rendant aux urnes « en masse ». Il avait ensuite présenté ses excuses.
Il a poussé cette année deux partis nationalistes religieux à un accord avec une formation largement considérée comme raciste.