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En France, combien de Nahel ?

Le meurtre de Nahel par un policier est médiatisé grâce à une vidéo prise au moment du drame. Mais en réalité, les violences policières sont nombreuses et, pour le plupart restent impunies.

« La police tue ». En février dernier, de nombreux politiques et journalistes étaient tombés sur Jean-Luc Mélenchon, accusé de mentir. La Première ministre Elisabeth Borne estimait alors que les propos du leader de La France insoumise étaient « choquants ». Un peu plus de quatre mois plus tard, force est de constater que le plus choquant, c’est que Jean-Luc Mélenchon avait raison.

Mais le plus symptomatique, dans le drame de la mort de Nahel, c’est que si la scène n’avait pas été filmée, la « bavure » serait passée inaperçue. Plusieurs sources policières ont en effet assuré, avant que la vidéo ne devienne viral, que le véhicule conduit par Nahel avait foncé sur deux motards de police. « Sur ces paroles, le parquet de Nanterre avait ouvert une enquête pour tentative d’homicide à l’encontre des policiers », déplore l’avocate de la famille. Une version revue par les policiers, qui ont finalement indiqué que le véhicule avait « accéléré après s’être arrêté à leur vue ».

Des chiffres camouflés par le gouvernement

La police peut-elle à ce point mentir en France ? Sans la vidéo du tir à bout portant du policier, l’affaire aurait-elle été classée ? Du côté de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) et de l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN), on a longtemps voulu cacher ces « bavures ». Avant 1977, il fallait aller lire la presse pour recenser les bavures policières, sans que l’on sache exactement de quoi il retournait, puisque seule la version de la police était considérée comme vraie. Depuis 1977 et jusqu’en 2022, on sait que près de 900 personnes ont été tuées par armes à feu.

Mais là encore, il ne faut pas compter sur le ministère de l’Intérieur pour avoir des chiffres détaillés. Le meilleur travail concernant les bavures policières est fait par le média d’investigation Basta !, qui a une base de données et explique que, depuis 1977, « 861 personnes sont décédées à la suite d’une intervention des forces de l’ordre, dont 80 du fait d’agents en dehors de leur service ». Une autre statistique terrible : Sur ces 861 personnes, « 86 étaient des enfants ou des adolescents de moins de 18 ans ». Comme Nahel.

Pas besoin de légitime défense pour tuer

Les violences policières tuent. « 81 décès sont liés à un malaise ou une asphyxie », écrit par exemple Basta !, qui remet en cause la légitime défense souvent avancée par les policiers : « Parmi les 489 personnes tuées par balles, 275 n’étaient pas armées, soit 56% ». « Toutes ces affaires sont très différentes et posent la question de l’usage de la violence par les forces de l’ordre. Le recours aux armes à feu par les forces de l’ordre est strictement encadré », s’étonne le média. Alors que « 349 personnes ont perdu la vie en fuyant les forces de l’ordre et 221 décès ont eu lieu à la suite d’une interpellation ». Pire, « 204 personnes sont mortes dans le cadre d’un contrôle d’identité ou de ses suites ».

De quoi interroger. Comme l’indique une responsable d’Europe Ecologie-Les Verts, « un refus d’obtempérer, c’est trois ans de prison et 75 000 euros d’amende, pas une balle dans la tête ». Malheureusement, depuis plusieurs années, les bavures se multiplient. Ou sont en tout cas plus médiatisées grâce à la vidéo et aux réseaux sociaux.

L’impunité de la police

Basta ! se demande si cela est dû « à la quasi impunité judiciaire dont les violences illégales font l’objet ». Les cas de Théo, d’Adama Traoré et de bien d’autres n’ont, semble-t-il, jamais donné satisfaction à ceux qui dénoncent les bavures policières. Qu’en sera-t-il du policier qui a tué Nahel. Celui-ci servira certainement de symbole et pourrait être lourdement condamné. Une satisfaction ? Oui dans ce cas. Mais le policier coupable de ce meurtre ne paiera-t-il pas, au final, pour les autres ?

Car lors des manifestations des Gilets jaunes, ou au moment des dernières bavures, on a vu un ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, soutenir mordicus que la police protégeait plus qu’elle ne blessait ou tuait. De quoi faire en sorte que l’impunité soit la règle, en cas d’usage non justifié de la force.

Rien n’a changé

S’il est avéré que le second policier, dans le cas de Nahel, a prononcé les mots « Shoote-le », les deux agents devraient être emprisonnés pour longtemps. Mais cette condamnation, si elle a lieu, ne doit pas faire oublier que le nombre de saisines de l’IGPN par la justice a augmenté de plus de 20% en 2019, par rapport à 2018. Que les violences policières qui ont touché les Gilets jaunes ont toujours été le problème des quartiers. Et qu’il n’est pas normal, aujourd’hui, d’avoir peur de la police.

Les noms de Fouhed Chebab, d’Ali Ziri, d’Abdelkader Ghedir, de Théo Louaka, d’Adama Traoré, de Zyed et Bouna, de Lamine Ba, de Steve Maia Caniço, de Lilian Lepage ou encore de Cédric Chouviat, et maintenant celui de Nahel, resteront dans les mémoires. Mais pour une bavure médiatisée, combien de violences policières sont aujourd’hui passées sous silence ? En 1998, dans un rapport, Amnesty International dénonçait « l’impunité de fait » dont jouissent en France les auteurs de violences policières. Un quart de siècle plus tard, rien ou presque n’a changé.

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