Gérard Davet et Fabrice Lhomme, auteurs du livre d’entretiens avec François Hollande « Un président ne devrait pas dire ça… », reviennent avec un livre pour lequel ils ont encadré des étudiants en journalisme. « Inch’Allah », à paraître ce 17 octobre, est consacré cette fois à la Seine-Saint-Denis. Les deux journalistes étaient invités, hier, de la matinale de France-Inter. Pendant huit mois, assurent-ils dans leur livre, les apprentis journalistes ont réalisé « deux cents entretiens menés auprès d’islamologues, hauts fonctionnaires, policiers, magistrats, responsables communautaires… »
Et ce qui est frappant chez Gérard Davet et Fabrice Lhomme, c’est leur propension à asséner qu’ils ne sont « pas dans l’idéologie » mais qu’ils ont voulu « mettre des faits sur la table. » En reprenant par exemple les chiffres de… l’institut Montaigne, pourtant fantaisistes. Sauf qu’il s’agit d’une compilation de faits isolés et non d’une étude sociologique, ce qui n’a pas l’air d’embêter nos deux journalistes. A commencer par une évaluation à la louche du nombre de musulmans en Seine-Saint-Denis. « Sans doute plus de la moitié de la population du 9-3 », assure le livre. Sans doute. Mais sans étude statistique disponible sur le sujet, les deux journalistes avouent qu’il s’agit d’un chiffre trouvé « au doigt mouillé » : cette statistique, disent-ils cependant, « fait consensus. » O.-K., soit.
Lors de leur interview sur France-Inter, Gérard Davet et Fabrice Lhomme ont donc été alarmistes sans livrer de véritables chiffres précis de cette « islamisation à visage découvert » — le sous-titre du livre — qu’ils dénoncent. Comme quand ils expliquent qu’« il y a une volonté, dans une petite partie de ces musulmans, d’imposer l’Islam comme norme sociale dans la vie publique. » En parlant d’« une petite partie », évoquent-ils 40, 10 ou 1 % des musulmans ? On ne le saura jamais alors que les auteurs du livre, dans la préface, aussurent qu’« il convient d’être précis, à l’heure d’évoquer une thématique aussi inflammable. » Raté.
Des faits déjà contestés
Car la contestabilité de ce livre est réelle, avant même sa sortie. L’ouvrage débute d’ailleurs par un épisode contestable et déjà contesté par l’un de ses protagonistes : lors du barbecue annuel de la PJ 93, les policiers « furent d’abord quelques-uns, une dizaine de fonctionnaires de police, tous de religion musulmane, à réclamer de la viande halal. Ensuite, ils cherchèrent à éviter d’être en contact avec les femmes chargées du service, puis exigèrent qu’elles ne manipulent plus le barbecue », peut-on lire. « C’est un détail, c’est anecdotique, mais cela révèle concrètement les failles et les fractures que crée cette islamisation qui (…) nous impacte tous », avouent Davet et Lhomme sur Inter, comme pour rappeler qu’il s’agit d’un épisode isolé qui montre un changement sociétal global.
Mais Abdoulaye Kanté, policier qui intervient régulièrement dans les médias, s’inscrit en faux : « J’ai été à l’organisation de ces dits ‘barbecues’ et je le redis avec fermeté, ces comportements n’ont jamais eu lieu chez nous ! », écrit sur Twitter le membre des forces de l’ordre qui assure que « cet événement a toujours été une vitrine de cohésion » et qu’il a « toujours combattu avec vigueur toute forme de discrimination ou de radicalisation. » Qu’importe, le livre est sorti et, comme le rappellent Lhomme et Davet, les faits, rien que les faits.
https://twitter.com/AbdoulayeK3/status/1051906405471522816
« Inch’Allah » est truffé de témoignages, comme celui de policiers qui racontent parfois anonymement ce barbecue totalement islamisé. Avec, dans l’ouvrage, des phrases mille fois entendues comme : « Consommer halal est devenu une évidence, à Saint-Denis. De fait, quasiment une obligation » ou « La ‘mode’ halal a en fait été lancée il y a quatre décennies, après la révolution de 1979 en Iran. » Pour montrer l’islamisation de Saint-Denis, nos étudiants en journalisme prennent l’exemple d’une boucherie-charcuterie traditionnelle de Saint-Denis dont le bail est à céder, « l’une des dernières à proposer encore du porc » et qui « vient de fermer », écrivent-ils. Des journalistes qui ont sûrement oublié de se rendre à Carrefour, sur le marché de Saint-Denis ou dans d’autres commerces qui vendent toujours du porc, qui serait à les écouter le dernier rempart contre l’islamisation rampante de la ville de Seine-Saint-Denis.
Mise à jour, le jeudi 18 octobre 2018 à 16h30 : Dans un post Facebook, Véronique Decker, directrice d’école en Seine-Saint-Denis, qui a témoigné de son expérience dans le livre, explique que « les commentaires des journalistes déforment (sa) pensée » et tient à se « démarquer des propos de ce livre. » L’enseignante assure que les étudiants en journalisme qui ont réalisé l’enquête ne l’ont pas « informée du projet du livre. »