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Gestion du culte musulman à La Réunion : un exemple à suivre pour la Métropole?

Selon François Fillon, qui était lors de la dernière campagne présidentielle en visite de trois jours à La Réunion, l’exemple de l’île française concernant la pratique du culte musulman « ne peut pas s’appliquer partout en France. » Bien qu’il souligne que l’île de l’océan Indien a parfaitement réussi à mettre en place une « cohabitation pacifique des religions », l’ex-candidat de LR estime que « la République est une et tant qu’on laissera se développer une tendance communautariste, on mettra en danger la République. » La situation en Métropole serait donc différente de celle de l’île, à en croire François Fillon, alors que Saint-Denis accueille la plus ancienne mosquée de France, la mosquée Noor-e-Islam, ainsi que des écoles coraniques sous contrat avec l’Etat et des cimetières, gérés à titre privé par des associations depuis 1971. A La Réunion, les musulmans ne représentent pourtant que 5 % de la population insulaire. Mais aussi bien économiquement que politiquement, l’Islam y occupe une place de rang. La preuve : les premiers jalons de la finance islamique ont été posés à La Réunion à la fin des années 1990 et l’importance de la communauté musulmane dans le tissu économique réunionnais vaut aux musulmans reconnaissance et respect. Depuis douze ans, la présidente du Conseil général —  puis départemental — de La Réunion est une musulmane, Nassimah Dindar. Mais selon Fillon, donc, tout cela semble impossible en France métropolitaine.

Métropole et Réunion : deux situations diamétralement opposées

Ce n’est pas l’avis de Didier Leschi, auteur de « Misère(s) de l’Islam de France », qui assurait dans LeMuslimPost que « La Réunion est (…) un bon exemple. » L’ancien préfet rappelle que « la construction de la grande mosquée de Saint-Denis est concomitante au vote de la loi de Séparation qui s’applique sur l’île. C’est un lieu où est organisée en permanence la sociabilité entre chrétiens, hindouistes, musulmans, juifs… Et c’est aussi un endroit où l’organisation du culte musulman est prise en charge par une élite sociale qui ne laisse pas à l’abandon cette question. Et les imams sont déclarés à la caisse d’assurance sociale des ministres du culte. » En janvier 2010, le délégué interministériel pour l’égalité des chances des Français d’Outre-Mer, Patrice Karam, estimait lui aussi que La Réunion pouvait « être un modèle pour la France en matière de savoir-vivre ensemble. » Alors, qui de ces deux hommes ou de François Fillon est dans le bon ? « Les deux ont à la fois raison et tort », tranche Aslam Timol, délégué général de la mosquée de Saint-Denis et son représentant au sein du Conseil français du culte musulman (CFCM) dont il est l’un des cofondateurs. Car la Métropole et La Réunion sont dans des situations totalement différentes en ce qui concerne l’Islam. Là où Didier Leschi parle de fonctionnement du culte, François Fillon parle lui de la pratique de l’Islam.

« Il serait en effet simpliste, vu de Métropole, de déclarer qu’il faut dupliquer le modèle réunionnais », résume le monsieur Réunion du CFCM. Notamment en ce qui concerne la pratique de l’Islam. Et ce, pour une raison toute simple : les pays d’origine des musulmans. Là où, en Métropole, on compte une majorité de musulmans d’origine maghrébine, à La Réunion, ce sont des Indiens arrivés à partir de 1860 qui composent principalement la communauté musulmane. Or, en Inde, les musulmans vivaient un Islam en harmonie avec la religion principale, l’hindouisme. « Nous sommes formatés pour un Islam minoritaire », résume Aslam Timol, qui rappelle que La Réunion a « beaucoup d’acquis qui datent d’avant la départementalisation, en 1946. » Des acquis, mais aussi une certaine façon d’envisager l’Islam : au début du siècle dernier, en 1901 dans une lettre adressée au gouverneur de La Réunion, les premiers musulmans ont demandé le droit de vivre leur Islam et de pratiquer leur religion en toute « discrétion », en harmonie avec la religion majoritaire sur l’île, le catholicisme. Le vivre-ensemble tant vanté sur l’île de l’océan Indien paraît donc couler de source. Loin des tensions en Métropole, où les premiers immigrés musulmans sont arrivés du Maghreb, où l’Islam est une religion d’Etat. Aujourd’hui, on demande à leurs enfants et petits-enfants de se reformater, d’être discrets. Ce qui paraît difficilement concevable, rien de plus normal !

Comment financer le culte sans fonds étrangers ?

Si on ne peut transposer en Métropole la façon dont est pratiqué l’Islam sur l’île de La Réunion, il est cependant possible d’adapter le modèle d’organisation et de gestion du culte musulman dans l’Hexagone. La petite île bénéficie d’un modèle économique de gestion du culte unique. « Tout a été financé par les musulmans, sans recevoir un seul centime de la part des Etats et des donateurs étrangers », résume Aslam Timol. Facile à dire quand on sait que les Indiens du Gujarat, des musulmans, eurent longtemps la mainmise sur l’économie de l’île et que les sommes données par les commerçants désireux d’avoir un lieu de culte musulman furent considérables. « Dans la Métropole, les musulmans sont certes moins aisés, admet Aslam Timol, mais beaucoup plus nombreux. » Si rien que la moitié des musulmans donnait, chaque mois, entre un et cinq euros, cela permettrait de récolter des sommes importantes pour le financement du culte. Le membre fondateur du CFCM souligne d’ailleurs la générosité des musulmans de Métropole chaque vendredi. Mais « il faut que les donateurs sachent où va chaque centime donné, comme c’est le cas à La Réunion », assure Aslam Timol. Là-bas, les mosquées fonctionnent comme des entreprises. Toutes mieux gérées les unes que les autres. Il est peut-être temps que les politiques pensent à calquer l’Islam de France sur l’Islam réunionnais au lieu de s’atteler à la création d’une Fondation pour l’Islam de France, qui semble déjà bien bancale.

© Photo : https://reunionwithlife.wordpress.com/

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