Le premier jour du Ramadan amène à lui seul son lot de consolations ; au travail, répétitivement, les remarques concernant les repas vont devenir omniprésentes, les petits moments cafétéria devant le collègue qui tend un café à un ou une musulmane peuvent vite confiner à la gêne. Puis, il faudra entendre et écouter les remarques des différents collègues qui soutiennent que le Ramadan est une bonne période mais qu’ils ne pourraient pas être capables de le faire car on ne peut pas y boire de l’eau.
Cette façon de voir le Ramadan est, pour un musulman, futile ; mais pour une personne qui n’a jamais eu l’habitude de devoir souffrir de la faim et de la soif, il peut s’agir d’une grande étape. Il peut également s’agir de cet individu qui reprend le Ramadan et pour qui ce dernier va s’analyser comme une période foncièrement complexe. Enfin, il faudra faire face aux littéralistes qui se permettent, en plein du Ramadan, où la retenue et l’humilité devraient être de mises, de juger les habits de l’un ou encore le parfum de l’autre.
Retrouver une discipline de vie
Toutes ces situations, aussi diverses que variées, nous appellent à repenser les raisons du jeûne en islam. Dans le Coran, Chapitre 2, versets 184 à 185, il est précisé :
« Ô vous qui croyez, le jeûne vous est prescrit tout comme il a été prescrit à vos devanciers, afin que vous adoptiez la piété. Le jeûne prescrit est pour un nombre de jours déterminé mais quiconque d’entre vous est malade ou en voyage devra jeûner un nombre égal d’autres jours ; et pour ceux qui ne peuvent jeûner qu’avec difficulté, il y a une expiation : nourrir un pauvre. Et quiconque fera le bien de son propre gré, c’est mieux pour lui… »
Il faudra donc garder à l’esprit que le jeûne est prescrit pour avancer, non pour reculer. Il concentre en lui une dynamique positive qui consiste à abandonner, pendant ce mois, les dépôts que l’on concentre dans sa vie de tous les jours. Parmi les premiers avancements, il y a celui de la régularité dans ses prières quotidiennes. Pour ceux qui ont perdu l’habitude de celles-ci, alors mêmes qu’elles tendent à créer une discipline dans la vie de tous les jours, le jeûne est un mois important pour en reprendre l’habitude.
A ce propos, le Prophète de l’islam soutient (Baihaqi, hadith 3608) :
« Ô gens ! Vous allez entrer dans un important mois, un mois béni, un mois qui contient une nuit qui est meilleure que mille mois. Allah a rendu son jeûne obligatoire et les prières faites au cours de ses nuits surérogatoires. Quiconque y accomplit une bonne œuvre surérogatoire est comme quelqu’un qui observe une action obligatoire en dehors de ce mois. Quiconque y accomplit une action obligatoire est comme quelqu’un qui accomplit 70 actions obligatoires en dehors du Ramadan. »
Abandonner les mauvaises habitudes
Le Prophète de l’islam a précisé à de multiples reprises que le jeûne vise à améliorer son mérite en abandonnant définitivement les mauvaises habitudes. Nombre d’individus ont adopté un langage vulgaire, alternant entre insultes et invocations de Dieu. Le Ramadan est là pour rappeler que le langage utilisé pendant ce mois doit être soutenu et digne d’une personne pratiquant le jeûne.
Dans le Sahih d’al-Bukhary (n°1894, Vol. III, Dar Al Rachad, Ed. Marocaine), il est rapporté que le Prophète de l’islam a affirmé :
« Que celui qui jeûne ne commette pas d’acte d’indécence ou d’ignorance ; et si quelqu’un vient à combattre ce jeuneur ou l’insulter, qu’il lui dise par deux fois ‘je jeûne’ ».
Non seulement l’enseignement du Prophète de l’islam vise à garder un vocabulaire correct mais également à ne pas verser dans les insultes ou les attitudes ignorantes. Ces enseignements sont rarement mis en lumière alors qu’ils proposent une philosophie profonde de la nature de l’homme.
Afin de s’éloigner de ses pulsions animales et atteindre le socle d’un croyant, l’islam enjoint une attitude modérée, qui s’économise de toute vulgarité ou de futilité. La question qui se pose, et que l’on se pose tous, est de savoir si nous avons su faire nôtre cette philosophie de vie ? Et il faut y voir les récompenses que l’on récolte pendant ce mois :
« Quiconque y accomplit une action obligatoire est comme quelqu’un qui accomplit 70 actions obligatoires en dehors du Ramadan. » !
En ces temps d’islamophobie, engager le dialogue
Enfin, en ces temps où les actes contre l’islam se banalisent et que les individus vivant dans notre société sont effrayés par l’islam en raison d’une couverture fallacieuse et en continu du terrorisme, que l’on tente à tort de rapprocher de l’islam, il faut dialoguer. Il faut présenter ce message du jeûne et surtout expliquer que l’hospitalité dont font preuve les musulmans pendant ce mois n’est pas hors du commun ; elle fait partie de leur éducation religieuse.
La dialogue, et seulement ce dernier, pourra permettre de pacifier les rapports entre les différentes couches sociales. Et le mois du Ramadan est une bonne période pour entamer ce dialogue puisque les passions doivent être bannies au profit de la bonne intelligence et de la piété. Voilà, encore une raison qui pousse à entretenir le dialogue avec ses voisins, ses collègues et leur démontrer que le Ramadan a imposé un haut degré de moralité chez les musulmans. C’est ainsi qu’ils vont pouvoir comprendre les raisons et la véridicité de nos engagements religieux.
* Asif Arif est avocat au Barreau de Paris, auteur spécialisé sur les questions d’Islam et de laïcité. Retrouvez ici sa page Facebook.