jeudi 31 octobre 2024
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Isoler l’Iran : l’objectif numéro 1 de l’Arabie Saoudite

En exigeant du Qatar qu’il réduise les liens diplomatiques avec l’Iran (voir L’analyse de la crise du Golfe entre le Qatar et l’Arabie Saoudite) et ferme toutes les missions diplomatiques dans ce pays, l’Arabie Saoudite montre sa volonté d’isoler son ennemi chiite. Il faut dire que l’Arabie Saoudite est aux abois, économiquement parlant. Et a donc tout intérêt à ce que le rival iranien, dont l’accord historique sur le nucléaire signé en 2015 laissait présager une embellie économique dans les années à venir, perde de son influence. Car s’il y a encore quelques années, l’Iran stagnait économiquement, l’accord signé il y a deux ans doit permettre à l’Iran de revenir sur la scène régionale, « mais aussi d’avoir beaucoup plus d’argent, puisqu’il va entraîner la levée des sanctions et le retour des fonds gelés pendant l’embargo », indique à franceinfo Mansouria Mokhefi, politologue et conseiller spécial Moyen-Orient et Maghreb à l’Ifri.

La chute des cours du pétrole a fait mal à l’Arabie Saoudite

A l’origine des tensions économiques entre Riyad et Téhéran, la chute des cours de l’or noir. Nathalie Goulet, sénatrice et vice-présidente de la Commission aux affaires étrangères, explique à L’Opinion que l’Arabie Saoudite a perdu « 87 milliards de dollars, soit 20  % de son PIB » à cause de la chute des cours du pétrole. Les caisses saoudiennes sont (relativement) vides et Riyad a même dû lancer, en fin d’année dernière, une émission obligataire qui lui a permis de récolter plus de 17,5 milliards de dollars. Car la chute des cours a un réel impact sur l’économie saoudienne, dépendante à 90 % des exportations de pétrole. Conséquence : l’austérité a pointé le bout de son nez dans le royaume wahhabite qui a soldé l’année 2016 avec un déficit atteignant près de 90 milliards de dollars, qui correspondent à 19 % du PIB du pays. L’Arabie Saoudite compte donc couper son budget de 70 milliards de dollars à moyen terme et a déjà revu à la baisse les salaires de ses fonctionnaires. La seule solution aujourd’hui pour que l’Arabie Saoudite puisse aborder les prochaines années avec sérénité serait de voir les cours du baril de pétrole remonter en flèche. Et quoi de mieux, dans ce cas, qu’une crise diplomatique avec l’Iran ? Selon Mansouria Mokhefi, « créer des tensions dans la région pourrait faire augmenter le prix du baril de pétrole, ce qui ferait les affaires de l’Arabie saoudite. » Tout ça pour ça ?

L’interminable guerre entre sunnites et chiites

Mais la chute des cours du pétrole n’est pas la seule origine du conflit qui oppose Saoudiens et Iraniens. Le royaume du Golfe ne veut pas voir le chiisme gagner en influence dans la région. « L’autre préoccupation est que l’Iran chiite profite de l’affaiblissement de l’Irak et des difficultés de la coalition emmenée par Riyad au Yémen contre les Houthis, dont le zaïdisme est proche du chiisme, pour s’imposer comme la puissance hégémonique au Moyen-Orient », explique Jacques Hubert-Rodier, éditorialiste diplomatique aux Echos. Une escalade dans la « guerre froide » qui oppose depuis plusieurs années l’Arabie Saoudite et l’Iran, et qui avait dernièrement connu son apogée avec l’exécution du chef religieux chiite Nimr Baqer Al-Nimr en Arabie Saoudite. En exécutant il y a un an et demi le cheikh chiite, l’Arabie Saoudite a voulu envoyer un message fort à l’Iran, qu’elle craint de voir revenir sur le devant de la scène avec la signature de l’accord nucléaire. A l’époque, l’Arabie Saoudite avait déjà réussi à ce que le Koweït, le Bahreïn, les Emirats arabes unis et le Soudan rompent leurs relations diplomatiques avec l’Iran. Désormais, le royaume wahhabite espère que le Qatar en fera autant pour former une grande coalition sunnite influente dans la région.

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