Le ministre de la Justice turc a déclaré hier que le gouvernement était déterminé à faire extrader des Etats-Unis Fethullah Gülen, l’ennemi juré d’Erdogan accusé d’avoir fomenté le coup d’Etat avorté en juillet dernier.
« Imaginez qu’il y ait une tentative d’assassinat du président Barack Obama et de sa famille, dans l’explosion de la Maison-Blanche… Que des tanks envahissent les rues… Que 241 civils américains aient été tués et près de 3 000 blessés. Imaginez ce scénario. Imaginez ensuite que le concepteur et le réalisateur de tout cela réside en Turquie : qu’en penserait le peuple américain ? » Cette longue tirade a été déclamée hier par Bekir Bozdag, le ministre turc de la Justice, devant un parterre de journalistes réunis à l’Ambassade de Turquie à Washington.
De meilleur ennemi à ennemi juré, Fethullah Gülen est devenu l’obsession n°1 du président Recep Tayyip Erdogan – et donc, de ses ministres – qu’il accuse d’être derrière la tentative de coup d’Etat du 15 juillet dernier, qui visait à le renverser. Quitte à radicaliser le discours, afin de rallier médias et opinion américains à la « cause » d’Erdogan. « Ce que représente Oussama Ben Laden pour les Etats-Unis et les Américains, est à l’instar de ce que représente Fethullah Gülen à la turquie et au peuple turc”, martèle Bozdag.
L’extradition achoppe sur le manque de preuves
L’emportement de Bozdag est aussi attisé par la prolongation du processus d’extradition par les Etats-Unis, au grand dam du pouvoir turc qui y a envoyé son émissaire pour avertir que cela pouvait affecter « négativement » les relations turco-américaines. La veille, Bekir Bozdag s’était entretenu avec la procureure générale Loretta Lynch. Qui a révélé le point d’achoppement du processus d’extradition, et cause de sa prorogation : le manque de preuves. Indispensable pour que les Etats-Unis accèdent à – et accélèrent le traitement de – la requête. Ce à quoi Bozdag a répondu que la Turquie a présenté de nouveaux éléments de preuve à la procureure mercredi, dont une confession supposément faite aux enquêteurs turcs, selon laquelle des enregistrements de hauts représentants de l’Etat avaient été transmis à Gülen, en Pennsylvanie, où il réside.
Interpellé sur la vague de répression de grande ampleur menée par le pouvoir en Turquie suite au coup d’Etat, Bozdag a précisé que dans la poursuite du « nettoyage » de l’opposition, aucun journaliste n’a été arrêté pour avoir fait simplement son travail. « Mais beaucoup d’entre eux sont des assassins », a-t-il affirmé. Selon le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), les autorités turques ont suspendu plus de 100 médias depuis juillet, fermé les bureaux de deux journaux, et emprisonné plus de 100 journalistes et professionnels des médias.