Hillary Clinton vient de publier « What Happened », un livre qui sortira dans une version française sous le titre « Ça s’est passé comme ça » (aux éditions Fayard) le 20 septembre prochain. Dans cet ouvrage, l’ex-candidate à la Maison-Blanche revient sur son échec à l’élection présidentielle. Si elle se remet légèrement en question, elle rejette la faute sur Bernie Sanders, sur l’ancien vice-président Joe biden qui ne l’a pas soutenue ou encore sur la misogynie, l’ingérence russe et les médias. Khwaja Ahmed est chercheur à l’ISPU (Institute for Social Policy and Understanding). Il revient sur l’échec d’Hillary Clinton et nous parle de la politique américaine de Trump.
LeMuslimPost : Dans son livre, Hillary Clinton attribue son échec à plusieurs facteurs étonnants…
Khwaja Ahmed : Je connais ces arguments, elle les a déjà évoqués à plusieurs reprises. Je ne suis pas d’accord, je ne pense pas qu’elle ait perdu parce qu’elle était une femme. Cela a, certes, pu jouer un rôle, mais il y a bien d’autres explication au fait qu’elle n’ait pas obtenu les votes que les démocrates obtiennent normalement. Je pense qu’il faut regarder ça au travers du prisme politique. Dans un article dans The Nation, Michelle Alexander évoque la relation entre son mari et elle en ce qui concerne le traitement des Afro-Américains. Elle écrit que Bill Clinton a été l’un des responsables de la ghettoïsation des communautés dans les Etats du Nord. Cet héritage s’est poursuivi via le récit et l’action d’Hillary Clinton. Cette dernière définit les Afro-Américains comme des « super prédateurs sans empathie ni émotion » et les considère comme étant une menace. Une partie de son échec lors de l’élection est due à sa non-relation avec cette minorité. Parce qu’elle a, depuis si longtemps, cette façon d’en parler.
« En soutenant Israël, Hillary Clinton a soutenu la maltraitance des minorités et des étrangers dans ce pays »
En fait, Hillary Clinton ne se remet jamais en question politiquement — ou très peu… Pourquoi ?
Exactement. Elle est quelqu’un qui pousse pour des lois plus sévères sur le crime, qui demande à ce que l’on soit plus strict avec ceux qui enfreignent les lois, en particulier en ce qui concerne les minorités raciales. Je trouve que c’est une façon assez étonnante de chercher à recueillir des votes et ce n’est vraiment pas la meilleure façon d’aller de l’avant. Cela pose des difficultés au niveau politique en particulier vis-à-vis de la diversité croissante en Amérique. Et il y a un autre problème majeur : elle ne semble pas comprendre les dangers de montrer qu’elle est ardemment sioniste. Ainsi, elle est du côté de l’oppresseur et, en soutenant l’Etat d’Israël, elle soutient la maltraitance des minorités et des étrangers dans ce pays.
Si elle avait été élue, quel genre de politique Hillary Clinton aurait-elle adoptée ? Une politique plus interventionniste que celle de Donald Trump, qui est tout de même intervenu en Syrie en mars dernier ?
Il est amusant de constater que, pendant la campagne, Trump avait promis de ne pas intervenir dans ce domaine et que nous devrions devenir plus isolationnistes, tout en disant que nous devrions augmenter les forces armées. Hillary Clinton avait dit le contraire, disant que nous devions être plus impliqués à l’international, tout en évoquant un affaiblissement du pouvoir militaire. En résumé, je pense que ces deux-là avaient raison… dans la moitié de ce qu’elles disaient. Hillary Clinton aurait certainement été plus interventionniste. Mais, à la différence de Trump, elle est beaucoup plus politiquement agile et je pense qu’elle aurait eu un agenda beaucoup plus subtil.
« Hillary Clinton aurait poursuivi la politique de son mari en termes de ghettoïsation »
Vous avez évoqué sa défiance vis-à-vis des Afro-Américains. Quel genre de politique aurait-elle adopté dans ce domaine ?
Ce serait la même politique que celle de Bill Clinton. Hillary Clinton a l’habitude de revenir sur ses conviction : après avoir été une opposante farouche au mariage homosexuel, elle en est devenue une fervente partisane. Pour ce qui est du traitement des minorités, je pense qu’elle aurait poursuivi la politique de son mari en termes de ghettoïsation, qu’elle aurait accablé les Afro-Américains. Cela aurait été préjudiciable pour cette communauté malgré son discours a priori amical à son encontre.
Hillary Clinton assure ne plus vouloir se représenter à la plus haute fonction du pays. Y croyez-vous ?
Non, je pense qu’elle va certainement, à un moment, être tentée de revenir. Elle est, je pense, très attachée à ce poste de présidente des Etats-Unis. Je doute qu’elle ne tente pas à nouveau de se présenter un jour. Et puis, elle va certainement continuer à avoir une influence chez les Démocrates. Elle pourrait s’éloigner du premier plan et agir en coulisse.