Lors de son voyage à La Réunion, François Fillon a demandé à voir « monter du fond » des Français musulmans « un cri de colère contre les extrémistes », mais également « contre ceux qui déforment le message de l’Islam. » On se croirait revenu deux ans et demi en arrière… A l’époque, Le Figaro avait réalisé un sondage, après l’assassinat d’Hervé Gourdel, demandant à ses lecteurs s’ils estimaient « suffisante la condamnation des musulmans de France. » Ces derniers avaient alors eu à répondre d’actes commis par des fous avec lesquels ils n’avaient rien à voir. Mais François Fillon va, cette fois, encore plus loin. Il ne suffit plus pour un Français musulman de dénoncer le terrorisme, il faut maintenant se désolidariser de « ceux qui déforment le message de l’Islam. » Un soupçon jeté sur les musulmans de France sans aucune raison. Le musulman n’est plus, ici, un Français mais un coupable.
Le silence radio de Fillon suite à l’attentat de Québec
Selon François Fillon, donc, les Français musulmans devraient se lever chaque matin et faire la liste de ceux qui ne sont pas de bons croyants. Distribuer des bons et des mauvais points, en quelque sorte. Le candidat à la présidentielle, s’il est élu, dira qu’il est le président de tous les Français. Mais en attendant, il distingue les citoyens non musulmans des adeptes de l’Islam. Un attentat commis à Nice par un djihadiste ? Les musulmans de France n’ont pas le droit d’être en deuil, ils doivent avant tout s’excuser. Un déséquilibré décide d’aller souiller les œuvres d’art du Louvre ? Les musulmans de France doivent crier leur colère. En revanche, lorsque des croyants sont tués dans une mosquée de Québec, silence radio. Les musulmans n’ont, en effet, pas l’indécence de demander à François Fillon de se désolidariser de cet homme chrétien et de droite.
Les Républicains crieront-ils leur colère contre François Fillon ?
L’on comprend aisément que, empêtré dans des affaires qui risquent de couper son élan, François Fillon cherche aujourd’hui des boucs-émissaires. On comprend également qu’au moment où, en France, il y a un problème lié à l’Islam, Fillon ressorte son refrain préféré disant que, « en France, il y a un problème lié à l’islam. » Enfin, on comprend que l’auteur de « Vaincre le totalitarisme islamique » ait besoin de relancer sa campagne. C’est pourquoi on ne tiendra pas rigueur à François Fillon de sa tentative crasse de rebondir sur l’Islam pour faire oublier qu’il est pressenti pour être mis en examen. Nous espérons seulement que, si mise en examen il y a, on verra « monter du fond » des Républicains qui ont respecté les règles et la morale « un cri de colère » contre François Fillon. Cela laissera enfin un peu de répit aux musulmans de France qui n’ont pas besoin qu’on leur dise où et quand ils doivent s’indigner.