le film « Le Jeune Imam », de Kim Chapiron. Un film salué par la critique qui, enfin, ne véhicule pas les clichés sur les musulmans.
Les clichés sur les musulmans et sur les personnes d’origines maghrébine ou africaine ont la dent dure au cinéma et à la télévision. En 2018, Aïssa Maïga était l’initiative d’un livre collectif sur le racisme et le sexisme dans le cinéma, intitulé « Noire n’est pas mon métier ». Cela fait désormais plusieurs années que des comédiens, des chercheurs ou simplement des spectateurs déplorent les clichés dans la fiction. « Aux États-Unis, les Noirs peuvent jouer des gens bien dans leur pompes, menant une vie banale mais heureuse ou ayant des carrières prometteuses » mais pas en France, écrivait en 2014 Hawa N’Dongo, étudiante en Master de Science Politique mention diversité, discriminations, représentations dans un article publié sur le Huffington Post.
Encore trop de ratés
Cela a-t-il enfin changé ? Oui et non. Aux USA, petit à petit, la place des musulmans change dans les fictions. En France, même quand ces mêmes musulmans sont les héros de séries, les clichés sont omniprésents. Dernier exemple en date avec la série, diffusée sur Netflix, « Jusqu’ici tout va bien », de l’humoriste Nawell Madani. Cette dernière a été accusée de véhiculer des clichés sur les personnes d’origine maghrébine. Madani, face à la polémique, avait réagi : « J’ai voulu parler des femmes de quartiers, celles qui se battent, qui se battent pour leurs frères… (…) J’ai mis une femme voilée, rayonnante, qui est solaire, qui est beaucoup plus posée que le reste de ses sœurs… J’ai aussi casté des gens que l’on n’a pas l’habitude de voir à l’écran ».
Chapiron maîtrise son sujet
Il aura finalement fallu attendre un film, « Le jeune imam », pour mettre tout le monde d’accord. « Loin des clichés mais sans enjoliver, Kim Chapiron (le réalisateur de ce long-métrage, ndlr) filme des musulmans d’aujourd’hui, simples et modernes », résume Le Journal du dimanche qui ajoute que le réalisateur « filme le quotidien d’une majorité musulmane silencieuse, celle qui vit, rit et prie sans forcément être embrigadée dans les filets salafistes ». Et finalement, on se prend à être étonné de voir enfin, sur un grand écran, tout ce qui nous paraît normal depuis des années, tant les médias ont fait des amalgames en appelant ces musulmans qui prient et qui vivent de façon normale les « modérés ».
Et pour éviter les clichés, la recette est assez simple : arrêter, d’un côté, de stigmatiser les musulmans ; mais ne pas pour autant faire croire, de l’autre côté, que tout est parfait. D’ailleurs, Chapiron évoque les liens parfois dangereux entre business et religion. C’est cela aussi, éviter les clichés : ne pas hésiter à dénoncer les dérives du halal ou les arnaques liées au pèlerinage à La Mecque. « Le jeune Imam » aurait même pu aller plus loin, mais il ne s’agissait pas d’en faire un film pour les musulmans. Ni même un film sur l’islam. La religion est un prétexte, au service d’un film qui fera date. Car Chapiron montre que, désormais, il est possible de parler des cités et des musulmans sans que cela soit grotesque.