Le souverain pontife argentin est devenu spécialiste des voyages dans les plus minuscules communautés catholiques du globe. Après un voyage aux EAU, il est attendu avec impatience au Maroc par une communauté de plus de 30 000 fidèles, essentiellement des étrangers venus d’Afrique subsaharienne, étudiants ou migrants en route vers le continent européen.
Environ un tiers d’entre eux sont attendus dimanche à une messe dans un complexe sportif, du jamais vu depuis la visite de Jean Paul II, en 1985, dans ce pays à 99% musulman.
A l’instar de son voyage aux Emirats arabes unis en janvier, l’image du pape célébrant la messe, au lendemain d’une rencontre avec le roi et « Commandant des croyants » Mohammed VI et de hauts responsables religieux, offrira un visage concret à ses appels répétés à la tolérance religieuse.
Le voyage du chef spirituel des quelque 1,3 milliard de catholiques suscite l’espoir des minorités chrétiennes et des musulmans convertis, qui demandent à pouvoir bénéficier pleinement de la liberté de culte inscrite dans la Constitution marocaine.
Liberté de culte incomplète
« Nous rêvons d’un Maroc libre qui assume sa diversité religieuse », a ainsi affirmé la Coordination des chrétiens marocains. Elle souhaite que cette visite soit « une occasion historique » pour que le Maroc avance « tangiblement dans ce sens ».
Selon la Constitution marocaine, « l’islam est la religion de l’Etat, qui garantit à tous le libre exercice des cultes ». Le code pénal marocain ne prévoit pas la peine de mort pour les apostats de l’islam, contrairement par exemple à celui des Emirats arabes unis.
Au Maroc, « la règle du jeu, c’est la discrétion », explique un responsable religieux à Rabat.
Le sujet reste sensible. En juin dernier, le ministre marocain d’Etat chargé des droits de l’Homme, l’islamiste Mustapha Ramid, avait ainsi estimé que la liberté de conscience était « une menace » pour la « cohésion » du Maroc.
La conversion volontaire n’est pas un crime, mais le prosélytisme (le fait « d’ébranler la foi d’un musulman ou de le convertir à une autre religion ») peut coûter jusqu’à trois ans de prison. « Ce qui est condamné c’est le prosélytisme agressif », insiste l’ambassadeur du royaume du Maroc à Paris, Chakib Benmoussa.
Pour lui, « la visite du pape François est un moment fort, aussi bien pour lutter contre les courants de fanatisme, de repli identitaire, d’intolérance mais aussi (…) pour l’interraction positive entre les religions, les peuples et les civilisations ».
Migrants, sujet sensible
Le pape François a confié qu’il aurait aimé se rendre à Marrakech en décembre pour l’adoption par plus de 150 pays du Pacte mondial sur les migrations des Nations unies. Il y avait finalement envoyé un représentant.
Le texte non contraignant, qui vise à renforcer la coopération internationale pour une « migration sûre », avait déchainé les passions dans plusieurs pays avant sa ratification finale à New York.
François a prévu de rencontrer samedi des migrants dans le centre Caritas diocésain, où il prononcera un discours. L’Eglise catholique locale a mis en place des centres d’accueil pour migrants dans plusieurs villes du Maroc, en l’absence d’autres structures.
La question des migrants est un autre sujet sensible au Maroc, qui revendique une politique d’accueil « humaniste ». Mais Rabat se fait régulièrement épingler par les défenseurs des droits de l’Homme, qui critiquent des vagues d’arrestations musclées destinées à éloigner les candidats à l’exil des rives de la Méditerranée.
« J’espère que la visite du pape apportera du progrès sur cette question », a déclaré l’archevêque de Tanger, Mgr Santiago Angelo Martinez, au cours d’un récent point de presse.
Le voyage de François au Maroc intervient près de 34 ans après celui Jean Paul II, à l’été 1985, marquée par une rencontre interreligieuse avec 80.000 jeunes dans un stade. Premier chef d’Etat d’un pays arabe à inviter un pape, le roi Hassan II (père de l’actuel monarque) avait été reçu au Vatican en novembre 1991.