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Littérature et diversité : à quand des livres pour tous les enfants ?

« Je voulais des livres pour mon fils. Dans les librairies, je cherchais une histoire où le personnage principal serait noir, mais à part Kirikou… Moi je voulais un héros en Occident, d’une histoire fantastique, d’astronaute, de mathématicien ou autre », raconte Gaëlle Oulahi, fondatrice de Book Diversité, une librairie en ligne qui tente de pallier au manque de représentativité dans les livres jeunesse.

Comme elle, d’autres mamans, ont fait cette amère expérience. En France, dans les librairies et les bibliothèques, les livres pour enfants sont encore loin de proposer des personnages reflétant la diversité des écoliers français. 

En 2017, le « Center for Literacy in Primary Education » a réalisé une étude sur le sujet. En Angleterre, on trouve un personnage issu d’une minorité ethnique dans seulement 4 % des livres jeunesse, alors même alors que le pays compte près de 32 % d’écoliers d’origine ethnique minoritaire. 

Si les statistiques ethniques sont interdites en France, l’hexagone est pourtant tout aussi concerné.  

« Les grandes maisons d’édition pensent qu’il n’y a pas de demande et que ces livres (avec des héros racisés ndlr) ne vont pas se vendre. Ils ignorent le nombre de familles et d’enfants qui sont issus de la diversité », regrette Gaëlle Oulahi.  

Une réelle demande qui a poussé la mère de famille à lancer sa librairie Book Diversité en avril 2018. Le principe : proposer des livres dans lesquels tous les enfants puissent être représentés, quelle que soit leur couleur de peau ou leur origine. 

Des héros qui ressemblent aux enfants, une nécessité pour la confiance en soi

Et ces livres existent, assure Gaëlle Oulahi. Souvent auto-édités ou publiés par de petites maisons d’éditions, l’entrepreneure les a déniché au fur et à mesure dans des salons, sur les réseaux sociaux ou même sur le site le Bon Coin.

« Les trois premiers mois on a vendu plus de 600 livres. Il y a eu un engouement dès le début. Depuis septembre on collabore avec les centres de loisirs et les écoles car il y a un vrai travail à faire dans leurs bibliothèques », poursuit-elle. 

L’objectif de ces livres, est d’apporter des repères positifs aux enfants, avec des héros participant à la construction de leur identité et favorisant l’estime de soi. 

« Une fille maghrébine ou métisse qui a les cheveux bouclés ou crépus, si elle ne se reconnait pas dans d’autres personnages féminins, elle va intégrer que les cheveux lisses, c’est mieux », souligne Gaëlle Oulahi, elle-même d’origine franco-ivoirienne. 

Une problématique à laquelle s’est entre autres chargée de répondre Laura Nsafou, auteure du livre ‘Comme un million de papillons noirs’. Dans celui-ci, à travers une métaphore poétique touchante, une maman aide sa petite fille à aimer ses cheveux crépus. 

Le livre d’abord publié chez l’ancienne maison d’édition Bilibok, a ensuite été réédité plusieurs fois, connaissant un réel succès. « J’ai eu un coup de coeur pour ce livre, alors j’ai décidé de le mettre en avant. J’ai presque vendu tous les exemplaires », témoigne une responsable de la librairie l’Atelier dans le 20e à Paris. 

« Je suis heureuse de me dire que des enfants pourront grandir avec un héros racisé »

Dans un autre genre, les aventures de ‘Neïba je-sais-tout’ ont aussi conquis les familles. 

Son auteure, Madina Guissé, voulait créer « un héros récurrent avec un personnage afro-descendant ». Pour cela, elle s’est inspirée des personnages préférés de son enfance : Tom Tom et Nana, le Petit Nicolas, les malheurs de Sophie… mais dans lesquels elle ne se reconnaissait pas physiquement. 

« Neïba est une héroïne qui n’hésite pas à alpaguer son public. Elle très drôle, elle a de la répartie. Je suis heureuse de me dire que des enfants pourront grandir avec un héros racisé », explique Madina Guissé, avec fierté.

La jeune femme était jusqu’à récemment encore, également membre de l’association Diversity and Kids, qui se bat pour plus de représentativité dans les librairies jeunesse. 

« C’est une association qui ne se contente pas de chercher des héros noirs ou de faire un référencement des personnages que l’on a pas l’habitude de voir. On lit les livres, on s’intéresse aux histoires, aux thèmes abordés. On voudrait parler prochainement du problème de la grossophobie dans les livres pour enfants. En 2019 on voudrait s’ouvrir à d’autres sujets que les personnages racisés, car la convergence des luttes est importante », rapporte Madina Guissé. 

Concernant les maisons d’éditions, si un effort à été fait pour plus de diversité, l’auteure estime que cela « reste cliché dans leur manière de faire et peu convaincant ». En effet, les personnages issus de minorités ethniques sont encore souvent représentés de manière exotique, comme « des enfants du monde ». Ou bien les histoires tombent parfois dans l’écueil des préjugés et les auteurs commettent de lourdes maladresses. 

« Quand on est noir et qu’on veut écrire des livres avec des personnages noirs on est vite taxé de communautarisme »

Par exemple, dans le livre « Petit oursin » édité par Flammarion en 2002, une maman essaye de repasser au fer les cheveux crépus de sa petite fille. Dans un autre livre, Samiha et les fantômes, il y est raconté l’histoire d’une petite fille qui ne veut pas devenir fantôme une fois plus grande. Les fantômes, ce sont les femmes voilées…

Des bourdes qui seraient surement évités si ces livres n’étaient pas écrit majoritairement par des auteurs blancs. « Mais quand on est noir et qu’on veut écrire des livres avec des personnages noirs on est vite taxé de communautarisme », regrette Madina Guissé. 

Quant aux héros de confession musulmane et/ou d’origine maghrébine dans les histoires, ils sont encore moins représentés. « Il n’y a pas un personnage musulman dont on suit la vie tout simplement », regrette la jeune auteure. 

« Je travaille dans un quartier où il y a beaucoup de mamans qui sont voilées. Mais le seul album que je connais avec un personnage significatif qui porte un voile, il s’appelle ‘Des bonbons pour Aicha’ de Elly Van der Linden et Suzanne Diederen (Mijade, 2007), et on le garde très précieusement à la bibliothèque parce qu’il est épuisé depuis longtemps », écrit sur son blog une bibliothécaire à Paris. 

Bani Book, une maison d’édition avec des enfants musulmans dans leur quotidien

La littérature jeunesse représentant des familles ou enfants musulmans reste en effet majoritairement de nature religieuse. Et ces personnages sont quasiment absents des livres publiés par les grandes maisons d’éditions. 

Hélène Trendafilov, elle, préfère y voir une opportunité, un marché à prendre. « Ce qu’on ne trouve pas, créons le ! », lance l’auteure de « Un vendredi chez Safiya ». Ce livre, qui raconte le quotidien d’une petite fille musulmane en Occident, est paru au mois d’octobre chez Bani Book, une maison d’édition créée également par l’auteure. 

« J’ai toujours trouvé des histoires du Coran et du Prophète mais c’est tout. J’avais commencé à acheter des livres de la collection « Martine » à ma fille et elle voulait des couettes comme elle. Cela m’a donné l’envie de créer une collection qui parlerait des choses de la vie. Je me suis dit que ce serait bien que nos enfants musulmans trouvent des personnages qui leur ressemblent, qui vont eux aussi à la mosquée, sans que ce soit pour autant un livre religieux pur et dur », explique Hélène Trendafilov. 

Ainsi, l’écrivain prévoit déjà plusieurs livres autour du personnage de Safiya, avec toutes sortes d’aventures mais toujours avec « une petite touche islamique ». Elle espère également que ses livres pourront plaire à des enfants d’autres confessions.

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