Los Angeles a accueilli, la semaine dernière, une délégation de militants européens venus échanger et débattre dans un contexte de guerre contre le terrorisme, qui dure depuis maintenant 16 ans, et de racisme systémique global tant islamophobe que négrophobe. La ville californienne est l’une des cités pilotes où le programme fédéral ciblant les citoyens de confession musulmane, sous couvert de lutte antiterroriste “Countering Violent Extremism” (CVE), est en cours d’application. La délégation s’est concentrée sur les expériences des musulmans et des communautés racialisées aux États-Unis, et en particulier sur les façons dont ils sont à l’avant-garde de la résistance face à la mise sous contrôle croissante des espaces publics, la surveillance de masse et les contrôles au faciès, mesures qui conduisent à l’élimination des libertés fondamentales et à la criminalisation de la dissidence.
L’objectif de ce déplacement n’était pas seulement d’analyser les similitudes et les parallèles pouvant être établis mais aussi, et surtout, de tisser un réseau transatlantique capable de s’organiser au-delà des frontières afin de lutter contre l’oppression ciblant les citoyens de confession musulmane. Une résistance déterminée est déjà sur pied contre diverses mesures islamophobes de par le monde, de la lutte contre le programme PREVENT au Royaume-Uni à l’instauration de l’état d’urgence en France, en passant par le Muslim Ban de Trump ou le fichage des citoyens de confession musulmane. Le racisme d’Etat a légitimé les crimes de haine visant les communautés musulmanes dans ces pays. Rien qu’au cours du mois dernier, l’extrême droite a été responsable d’une attaque terroriste menée contre la mosquée de Finsbury Park à Londres, suivie de la mort de Nabra Hassanen, battue à mort en Virginie. Au syndicat britannique NUS, certains des travaux clés de la campagne « Liber8 Education » ont visé à coordonner les efforts contre la recrudescence du racisme et du fascisme non seulement aux échelles locale, nationale et internationale. Suite à une série de tables rondes avec plus de 70 organisations à travers le Royaume-Uni, le premier sommet sur les crimes de haine intitulé ‘Trump, Brexit & Beyond: Building Bridges not Walls’ a été organisé – l’auteur de ces lignes est intervenu au sujet de la reconquête de nos libertés.
La France, laboratoire de l’islamophobie
La “Campagne de Prévention Contre le Programme “Prevent”, lancée avec celle du syndicat des étudiants noirs, a également intégré la première conférence nationale invitant des intervenants de tous secteurs et du monde entier à inaugurer une ligne d’assistance téléphonique à l’intention des personnes ciblées, ainsi que des travaux de recherche sur les effets de “Prevent” sur les libertés publiques, aussi bien dans les institutions que sur les étudiants. Plusieurs décennies faites de mesures et de lois d’exception ciblant les citoyens de confession musulmane ont fait de la France le laboratoire de l’islamophobie et un état policier en devenir.
Du refus opposé aux citoyens de confession musulmane d’exprimer leurs convictions religieuses dans l’espace public ou, pour leurs enfants, l’impossibilité d’aller à l’école publique si elles décident de porter un foulard, aux discriminations massives au travail, à l’école, au logement et même dans l’accès aux soins, en passant par la diabolisation permanente par les médias publics, l’ingérence dans les affaires religieuses, l’adoption de mesures répressives extrêmes telles que l’état d’urgence, la légalisation de la surveillance de masse, les perquisitions sans mandat judiciaire, les assignations à résidence arbitraires, la militarisation de la police et les inévitables brutalités en totale impunité, l’Etat français est massivement engagé depuis plusieurs décennies dans une entreprise de domination et d’exclusion en train de devenir permanente après avoir été rendue acceptable, tant que les populations non blanches étaient ciblées. Alors que ces mesures ont fait des citoyens de confession musulmane “l’ennemi intérieur”, elles ont été étendues et affectent désormais d’autres groupes religieux et segments de population française, témoins de la réduction de leur espace d’opposition aux autorités. L’exemple le plus flagrant a été l’état d’urgence, d’abord adopté à l’encontre des citoyens de confession musulmane puis étendu aux manifestants contre la COP 21 ou la loi Travail.
L’islamophobie est le défi sociétal majeur de la France et des autres pays “occidentaux” car elle a permis un élargissement inquiétant des pouvoirs de l’exécutif, et est constamment utilisée comme diversion pour que l’opinion publique, focalisée sur le “péril islamique”, ne demande pas de comptes aux décideurs politiques sur leurs échecs économiques et sociaux. La délégation avait pour objectif de connecter ceux qui travaillent déjà sur le terrain, en analysant le racisme anti-musulman, sa nature structurelle et ses effets sociaux. Etant donné que les gouvernements britanniques, français et américains conspirent contre les libertés individuelles de leurs propres citoyens, les activistes pour la justice sociale ne peuvent plus se permettre de maintenir leurs combats dans leurs pays respectifs, isolés les uns des autres. Durant cette visite, la délégation européenne a ainsi rencontré les activistes de Black Lives Matter, Justice Warriors For Black Lives, Vigilant Love, Mpower Change, Muslim Anti-Racism Collaborative, le Conseil sur les Relations Americano Islamiques CAIR, l’ACLU (Union Américaine pour les Libertés Civiles), Jewish Voices For Peace (Des Voix Juives Pour la Paix), les chercheurs Najeeba Sayeed, Maytha Alhassen, Margari Hill, et la Community Coalition du quartier de South-Central et sa Directrice Tyra Goodman, entre autres. Autant de personnes et d’organisations que la délégation tient à vivement remercier pour lui avoir ouvert leurs portes et proposé de collaborer.
Pour plus d’informations, vous pouvez entrer en contact avec :
Yasser Louati, Président du Comité Justice & Libertés Pour Tous : yasser.louati@yahoo.fr
Malia Bouattia, Présidente du syndicat britannique National Union of Students: malia.bouattia@nus.org.uk