mercredi 30 octobre 2024
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Présidentielle en Algérie : l’armée veut-elle passer en force ?

Les manifestants réclament le départ de l’ensemble du système au pouvoir ces dernières décennies avant tout scrutin, et une précédente tentative d’organiser une présidentielle pour élire un successeur à Abdelaziz Bouteflika a échoué avant l’été.

Malgré ce précédent, et le dialogue de sourds persistant entre le pouvoir et les manifestants, le président par intérim Abdelkader Bensalah a appelé dimanche soir les Algériens « à contribuer collectivement (…) au choix de leur nouveau président ».

Cette annonce ne faisait guère de doute depuis la prise de position en ce sens, début septembre, du chef d’état-major de l’armée, Ahmed Gaïd Salah, l’homme fort du pouvoir depuis la démission forcée de M. Bouteflika début avril sous la pression de la rue.

Mais cette « volonté d’un passage en force (…) n’aura aucun écho favorable chez les millions d’Algériens qui continuent à sortir dans la rue », dit à l’AFP Athmane Mazouz, porte-parole du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD, opposition laïque).

Arrestations

Depuis une semaine, les autorités intérimaires avaient lancé une course contre-la-montre pour respecter le calendrier fixé par M. Gaïd Salah.

Le Parlement a adopté au pas de charge un nouveau dispositif législatif: une loi sur la création d’une autorité « indépendante » chargée des élections et une autre sur la révision de la loi électorale.

Mais ces gages à destination de la rue, censés garantir la transparence du scrutin, n’a pas calmé les manifestants, qui continuent de réclamer la mise en place d’institutions de transition.

« Nous rejetons cette élection dans les conditions actuelles. On ne peut pas aller à l’encontre de la volonté populaire », a confirmé à l’AFP le coordinateur du Comité national pour la libération des détenus (CNLD), Kaci Tansaout.

« Comment accepter ce scrutin alors que des militants sont jetés en prison quelques heures avant l’annonce de la date de la présidentielle? », s’est encore interrogé M. Tansaout.

Selon lui, 22 manifestants, interpellés avant la manifestation de vendredi à Alger, ont été placés dimanche en détention provisoire. Ils sont poursuivis pour « incitation à attroupement » et « atteinte à la sécurité de l’Etat », a-t-il précisé.

Mardi, un opposant et une figure médiatique du « Hirak », Samir Benlarbi, a à son tour été placé en détention après sa comparution devant un juge d’instruction d’un tribunal d’Alger, a annoncé son avocat Abdelghani Badi sur sa page Facebook, sans préciser les accusations contre son client.

Il est la troisième figure de proue de la contestation a être placé en détention préventive après l’opposant Karim Tabou, écroué le 12 septembre, et l’ancien vétéran de la guerre d’indépendance Lakhdar Bouregaâ, incarcéré depuis le 30 juin. Tous deux son poursuivis pour « atteinte au moral de l’armée ».

Ces arrestations ne devraient pas empêcher les Algériens de continuer à manifester en masse le vendredi.

La décision d’organiser à la « hâte » un scrutin présidentiel peut donner encore davantage de « souffle à la contestation », estime même le politologue Rachid Tlemçani.

Et, si jamais le nombre de manifestants contre le régime devait baisser, les présents « seront (encore) plus déterminés », ajoute M. Tlemçani qui n’exclut pas des « violences » en cas de « répression policière ».

Dans sa volonté de passer en force, le pouvoir pourrait aussi se heurter à une difficulté de taille: l’absence de candidatures sérieuses au scrutin du 12 décembre.

Risque d’abstention

Avant l’été, déjà, la présidentielle prévue le 4 juillet avait dû être annulée, faute de candidats.

Et, pour l’heure, la plupart des personnalités d’envergure expriment toujours publiquement leur opposition.

Principal adversaire de M. Bouteflika en 2004 et 2014, l’ancien Premier ministre Ali Benflis a laissé entendre qu’il pourrait se lancer.

« Aujourd’hui, les conditions institutionnelles, légales et procédurales de l’élection présidentielle sont en place », après la création d’une autorité électorale « indépendante » et la révision de la loi électorale, a-t-il estimé lundi.

Mais son parti, l’Avant-garde des Libertés, pose encore des conditions, en réclamant notamment, comme le « Hirak », le départ du gouvernement actuel et son remplacement par des personnalités « crédibles et respectées ».

Enfin, même si le pouvoir parvient au forceps à organiser le scrutin, il risque de buter sur un autre obstacle, celui de l’abstention dans un pays où la participation est déjà traditionnellement faible.

Le 12 décembre, le taux de participation risque alors « d’être le plus bas de l’histoire », prédit Rachid Tlemçani.

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