Dans le cadre de « L’émission politique », Jean-Luc Mélenchon, appelé à s’exprimer sur ses intentions présidentielles et son programme, n’a pas manqué un sujet qui a été mis sur la table du débat : la question du voile islamique. Mais c’est surtout l’arrogance et le manque du candidat à la présidentielle qui m’a choqué, plus que ses propos en eux-mêmes, lesquels sont devenus monnaie courante dans le débat politique. Il est fort étrange que ce candidat, très largement au fait pour traiter de la question de la précarité des travailleurs en France en raison des abus opérés par les « grandes entreprises financières », n’ait pas prêté l’oreille aux différents débats sur la question du voile. Et il est important de lui répondre pour plusieurs raisons objectives.
D’abord, en raison de la contradiction dans le raisonnement de Jean-Luc Mélenchon. Ce dernier soutient que le voile est indéniablement un signe de soumission mais n’hésite pas surenchérir soutenant que « Dieu » n’en a que faire des bout de chiffon sur la tête. En réalité, cela s’analyse parfaitement en une insulte faite aux femmes portant le foulard islamique à plusieurs titres. En effet, traiter le voile pour le comparer à un chiffon révèle une espèce de dédain de Mélenchon sur ces questions alors qu’elles sont fondamentales pour nos libertés. Les femmes voilées, dans un ouvrage de Faïza Zerouala, n’ont pas hésité à faire passer un message : le voile revêt avant tout un aspect religieux et pas politique et ni patriarcal. Ensuite, parce qu’il décide à la place des femmes voilées sans réellement les avoir consultées. Imaginons désormais un instant que Jean-Luc Mélenchon parle de précarité sans avoir rencontré des travailleurs qui sont en voie de licenciement par une grosse entreprise du CAC 40. Serait-il toujours aussi crédible ?
En réalité, le dédain et l’arrogance avec lesquels Mélenchon traite la question du voile islamique représente le reproche qu’il fait à d’autres candidats sur d’autres questions : n’estime-t-il pas qu’Emmanuel Macron est absolument exécrable vis-à-vis des salariés des entreprises et qu’il n’a aucune conscience de la situation des travailleurs ? Encore une fois, il convient d’être très clair : la position de Jean-Luc Mélenchon n’est pas différente sur le débat du voile de celle de Manuel Valls, à croire qu’il existe bien un axe sur lequel ces individus pourraient s’entendre. Quoiqu’il en soit, beaucoup d’adhérents du parti de Mélenchon sont de confession musulmane. Je ne sais pas comment ils vont se sentir à la suite de cette émission politique mais beaucoup de musulmans ont été pris de haut. En effet, si les hommes ne portent pas le foulard, la génération actuelle à souvent connu des parents ayant porté le voile sans déranger personne, et sans jamais avoir violé les règles de la République.
Car il existe aujourd’hui des représentants au niveau de l’Etat qui eux violent les règles de la République et la focalisation sur ces derniers est souvent balayée par un débat sur le voile. Quoi qu’il en soit, nous pensons aujourd’hui à toutes les femmes voilées de France qui portent le voile sans soumission et qui pour autant sont prises de haut. Et une seule réflexion vient à l’esprit : que faire et que dire face à tant de dédain ? La meilleure chose à faire est sûrement de condamner, jour après jour, ce type d’inepties qui contribuent à diviser notre société. Dans tous les cas, Jean-Luc Mélenchon n’aura pas mon soutien.
Je ne conçois pas et ne vote pas pour un dirigeant arrogant, mais un dirigeant compatissant.
*Asif Arif est avocat au Barreau de Paris, auteur et enseignant spécialiste de l’Islam et de la laïcité.