S’il est une conséquence positive que l’on peut accorder au manifeste « contre le nouvel antisémitisme » publié par Le Parisien et signé par trois-cents personnalités artistiques, politiques et intellectuelles, c’est d’avoir réussi à unir temporairement la communauté musulmane.
Dans un communiqué, Abdallah Zekri, président de l’Observatoire national contre l’islamophobie et par ailleurs délégué général du CFCM, écrit que « des hommes politiques sur le déclin et en mal de reconnaissance médiatique ont trouvé dans l’Islam et les musulmans de France leur nouveau bouc-émissaire. » Il dénonce un débat « nauséabond et funeste » et estime qu’« il est temps qu’ils (les signataires) se ressaisissent et cessent d’accabler l’Islam et les musulmans de tous les maux. »
« Attribuer l’antisémitisme à l’Islam est presque un blasphème »
Recteur de la Grande mosquée de Bordeaux, Tareq Oubrou estime de son côté qu’« attribuer l’antisémitisme à l’Islam est presque un blasphème, puisque les deux-tiers des prophètes du Coran sont des juifs. » Quand, dans la tribune, les Philippe Val assure que le Coran « appelle au meurtre des juifs et des chrétiens », c’est selon le recteur girondin « une erreur monumentale, et d’une violence inouïe. » Pour lui, explique-t-il sur franceinfo, « attribuer l’antisémitisme à une ‘génétique coranique’ quelconque est une erreur intellectuelle monumentale. »
Dalil Boubakeur, recteur de la Grande mosquée de Paris, est sur la même ligne : dans le Coran, dit-il au micro d’Europe 1, « Il n’y a pas d’incitations particulières ni contre les juifs ni contre les chrétiens. Le verset coranique dit : ’Lorsque vous discutez avec les gens du Livre (juifs et chrétiens) ne le faites qu’avec courtoisie et respect. »
Un procès « totalement injuste » fait aux musulmans
Outre les erreurs pointées du doigt par les personnalités représentatives du culte musulman, l’accueil du manifeste est mitigé notamment parce qu’il met à la marge de la République toute une communauté. Dalil Boubakeur est lassé que ces personnalités tentent en permanence de « faire des musulmans de France les ennemis de leurs frères juifs. » Le recteur voit là un procès « totalement injuste » à l’encontre de la communauté musulmane.
Abdallah Zekri indique lui qu’il est « temps que les politiques respectent la loi de 1905 instaurant la séparation entre l’Etat et les Cultes et ne s’ingèrent en aucune manière dans la gestion du culte musulman. »
« Cette tribune est un non-sens, un hors-sujet »
Pour Tareq Oubrou, les signataires du manifeste ont commis « la même erreur que commettent un certain nombre d’ignares musulmans, des délinquants, qui prélèvent des textes isolés de leur contexte historique. »
Du côté du Conseil Français du culte musulman, le président Ahmet Ogras indique que « cette tribune est un non-sens, un hors-sujet. » Il insiste sur le fait que « personne n’a le monopole de l’oppressé ou de la victime » et dénonce l’utilisation du terme d’« épuration ethnique » par Philippe Val. Le vice-président du CFCM, Anouar Kbibech, déplore lui des « propos excessifs ».