Le langage est plus qu’offensif. Dans une note datée du 7 novembre et présentée lors d’une réunion interne à l’institut Montaigne, où étaient invités des membres de l’organisation et des partenaires, Hakim El Karoui parle des « buts de guerre » de sa future (et hypothétique) Association musulmane pour l’Islam de France (AMIF), une organisation dont le proche d’Emmanuel Macron est allé dessiner les contours dans la plupart des médias le mois dernier. Dans ce document, que LaTribuneLibre s’est procuré, on y voit un peu plus clair sur les ambitions de Hakim El Karoui. Parmi les missions qu’il se fixe, l’ancienne plume de Jean-Pierre Raffarin propose de « mettre de l’ordre dans le culte » musulman.
Ahmet Ogras accusé d’être « porteur de l’idéologie de l’AKP »
A la lecture de ce document, on est rapidement interloqué par le ton agressif. Dans cette note, Hakim El Karoui accuse par exemple le président du Conseil français du culte musulman (CFCM), Ahmet Ogras, d’être « porteur de l’idéologie de l’AKP », le parti politique d’Erdogan. Il dénonce également l’aspect « non démocratique » de l’organisation née en 2003, son « budget ridicule » de 30 000 euros annuels, la mainmise de « pays étrangers en conflit (Algérie, Maroc) qui ont importé beaucoup de leurs problèmes et peu de financements » — un peu plus loin, Hakim El Karoui décrit comment il veut faire financer son association par ces mêmes pays étrangers — et le « conflit d’intérêt de ces institutions en raison de l’exposition de leurs membres au ‘muslim business’ », du halal au hajj.
Mettre en place la pratique du « naming & shaming » dans le halal
Très rapidement, et s’appuyant sur des chiffres fantasques — 54 % des musulmans seraient pratiquants, dont une moitié de « rigoristes » —, Hakim El Karoui dévoile les potentielles sources de financement de l’AMIF : le pèlerinage, les dons et le halal. Parmi ses missions, l’AMIF certifierait les certificateurs halal. El Karoui propose notamment de mettre en place, dans le halal, la pratique du « naming & shaming ». Autrement dit, l’AMIF sera chargée de distribuer les bons et les mauvais points aux certificateurs et de dénoncer publiquement ceux qui ne seraient pas en adéquation avec ses critères. Hakim El Karoui semble loin, très loin même, de la réalité : il propose en effet de multiplier la redevance sur le halal…. par quatre ! De quoi fragiliser financièrement les certificateurs les plus sérieux.
« Lancer des enquêtes fiscales, sociales, sanitaires sur les principaux acteurs de la filière »
Outre le fait qu’il ne convaincra jamais les industriels de débourser quatre fois la somme qu’ils déboursent actuellement, Hakim El Karoui fait une requête étonnante dans sa note. Ou plutôt une menace. Il propose en effet de « lancer des enquêtes fiscales, sociales, sanitaires sur les principaux acteurs de la filière, connus pour leur manque de transparence et renforcer ainsi la position de négociation. » Autrement dit, si l’idée d’une « taxe halal » ne passe pas auprès des certificateurs halal, l’ancien banquier d’affaires estime que des contrôles fiscaux et sanitaires pourront les faire changer d’avis. On se rappelle que Hakim El Karoui a prodigué quelques conseils au dictateur tunisien Ben Ali, il en vient désormais à oublier que la France est un Etat de droit.