La course aux expulsions s’est accélérée avant le changement législatif du 1er novembre, avec des arrêtés municipaux à foison. En effet, près de quatre-vingts personnes ont été forcées à quitter un bidonville à Bègles (Gironde) la veille de la trêve, quatre-vingt-dix à Limeil-Brévannes (Val-de-Marne) le 30 octobre, deux cents à Bouguenais (Loire-Atlantique) ainsi qu’à Marseille.
Le collectif Romeurope qui recense régulièrement les expulsions de Roms, en a ainsi répertorié vingt-quatre rien qu’au mois d’octobre (sans compter les expulsions de migrants). Il y a un an, à la même période, seuls quatre camps avait été démantelés.
La trêve hivernale a donc débuté le 1er novembre. Pour la première fois en France, elle s’étend et s’applique aux personnes vivant dans des « bidonvilles » ou dans des « abris de fortune. » Mais les expulsions se multiplient ces derniers jours dans les camps de Roms.
Chaque année, la trêve hivernale permet d’empêcher les expulsions de locataires entre le 1er novembre et le 31 mars. Pour la première fois cette hiver, ce moment de répit ne s’applique plus seulement aux personnes vivant dans des « locaux d’habitation » mais aussi, de façon plus large à tous les « lieux habités. » Ainsi, les camps, bidonvilles et abris de fortune sont protégés eux aussi, durant cette période.
Une mesure de la loi Egalité et citoyenneté adoptée le 27 janvier 2017 et soutenue par des associations comme Médecins du Monde, le collectif Romeurope, Amnesty et autres ONG intervenant régulièrement dans les camps.
« La trêve aura été respectée 48 heures »
Mais cela va plus loin, puisque plusieurs expulsions de Roms viennent de se produire ces derniers jours, alors même que la loi sur la trêve hivernale devrait s’appliquer. Vendredi 3 novembre au matin, une quinzaine de Roms vivant dans un camp à Lille, ont été expulsés. Le même jour à Argenteuil (95), une cinquantaine de personnes ont également été délogées de leur camp.
« La trêve aura été respectée 48h », s’est indigné sur Twitter Dominique Plancke, à propos des expulsions de Lille et Argenteuil. Homme politique et militant écologiste, Dominique Plancke coordonne le collectif de soutien aux Roms du Nord-Pas-de-Calais depuis janvier 2016. « C’est d’une violence insupportable ! » a t-il déclaré au site Nord-Eclair.
La trêve hivernale aura été respectée 48 h : expulsions de bidonvilles #Roms ce matin à #Lille et à #Argenteuil.
— Dominique Plancke (@domplancke) 3 novembre 2017
Mais il s’avère que cette nouvelle loi peut facilement être contournée par des dérogations. En effet, même en cas de trêve hivernale, une municipalité peut prendre un « arrêté de péril » sous 48h (quand un bâtiment présente des risques pour la sécurité des personnes). Elle peut également procéder à des expulsions quand les occupants sont entrés par effraction (portail cassé pour rentrer sur un terrain par exemple).
Le collectif Romeurope demande des solutions pérennes face aux expulsions répétées
« C’est une façon d’échapper aux expulsions classiques qui sont des procédures plus longues. Cela règle le problème à court terme, mais les personnes expulsées vont juste se déplacer un peu plus loin », a réagi Manon Fillonneau, déléguée générale du Collectif national droits de l’homme Romeurope.
Pour elle, l’extension de la trêve hivernale aux bidonvilles marquait une réelle avancée. D’autant que la nouvelle loi apportait également des délais supplémentaires pour les expulsions à d’autres périodes de l’année.
« Ce moment de trêve devrait être mis à profit pour trouver des solutions pérennes. Le but est que ces personnes sortent des bidonvilles, que les enfants soient scolarisés, que les adultes trouvent un travail. Mais cette inclusion ne peut se faire que grâce à un lieu de vie stable », explique Manon Fillonneau.
571 campements illicites occupés par 16 000 personnes
En avril dernier, 16 000 personnes ont été recensées dans 571 campements illicites sur le territoire, dont 113 en Ile-de-France. De nombreux mineurs (36 %) vivraient sur ces terrains souvent sans eau, sans électricité, ni système de collecte des ordures. Des endroits qui sont aussi dangereux, souvent proches de routes à grande vitesse, chemins de fer ou décharges.
Pourtant des solutions existent à cette « misère extrême » et « toutes les villes peuvent le faire », assure Romeurope. La ville de Strasbourg par exemple, a cessé les expulsions en 2012 en relogeant les personnes dans des caravanes, pour tendre vers une amélioration de leurs conditions de vie. La municipalité avait mis en place ces « espaces temporaires d’insertion » afin que les adultes puissent apprendre le français et les enfants être scolarisés. Quatre ans plus tard, des centaines d’adultes auraient trouvé un emploi et un logement.
A Toulouse aussi en 2016, des locaux vacants et des appartements ont été mis à dispositions de plusieurs familles Roms. En juillet 2017 par exemple, le camp de Ginestous, un des plus anciens de Toulouse, a été démantelé. Les 165 personnes qui y vivaient ont été relogées et accompagnées par les services sociaux.