Black M, l’un des chanteurs préférés des jeunes cette année, devait faire un concert commémoratif à Verdun. La droite a eu raison de lui…
« La Marseillaise même en reggae ça m’a toujours fait dégueuler. » C’est en ces termes que le chanteur Renaud parlait de notre hymne national. Et à propos de la France, il continuait, dans la même chanson : « Votre république, moi j’la tringle. » En 2015, Renaud venait rendre hommage aux victimes de Charlie à Paris, place de… la République. Personne n’a trouvé à y redire. Plus de trente ans après « Où c’est qu’j’ai mis mon flingue », qui avait été à l’époque dénoncé par le Parti communiste, c’est au tour d’un rappeur d’être visé par les critiques.
La France est un « pays de kouffars »
Black M devait participer à la commémoration de la bataille de Verdun le 29 mai. « Devait », car l’annulation de son concert vient d’être annoncée. La polémique — lancée par la fachosphère — a gagné une bataille. Ce n’est pas Verdun, cela ressemble même plutôt à la Bataille de France. Ce que la fashosphere a reproché à Black M, c’est d’avoir qualifié dans une de ses chansons la France de « pays de kouffars » — signifiant « mécréants » en arabe —. L’extrême droite et ses affidés trouvent « inconcevable qu’un ‘artiste’ (remarquez les guillemets, ndlr) qui insulte aussi violemment la France participe à un quelconque événement officiel de commémoration de notre Histoire nationale et d’hommage à nos combattants. »
Marine Le Pen semble oublier qu’en réalité la bataille de Verdun n’est qu’une construction mythologique française d’après-guerre, à travers les cérémonies officielles, les défilés militaires et la littérature qui participent à en faire l’incarnation du sacrifice consenti pour la victoire. Black M a fait part de son « incompréhension » et de son « inquiétude. » Dans une lettre ouverte, Black M, de son vrai nom Alpha Diallo, a rappelé que son grand-père avait combattu durant la Deuxième Guerre mondiale parmi les tirailleurs sénégalais et déplore les « propos haineux » dont il a été victime ces derniers jours.
Un prétendu nationalisme nauséabond
Ce qui est troublant aujourd’hui, c’est que le nationalisme fut l’un des principaux facteurs du déclenchement de la Première Guerre mondiale. Cent ans après, ce même prétendu nationalisme nauséabond, venu des pires groupuscules d’extrême droite, a réussi à faire interdire un concert. Les prétextes invoqués sont plus que fallacieux et ne sont l’expression que d’un racisme pas encore assumé par les Morano et autres politiques de la droite de la droite, moins proches du général de Gaulle que de Marine. Renaud disait, dans sa chanson, « Le bleu marine me fait gerber. » Il parlait de la police. Mais ses paroles prennent aujourd’hui un tout autre sens.