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Elections en Algérie : qui aurait intérêt à ce qu’elles aient lieu le 12 décembre ?

Le chef de l’état par intérim algérien, ancien président du Conseil de la Nation, chambre haute du pays, Abdelkader Bensalah, a tranché : le prochain scrutin présidentiel se tiendra, le jeudi 12 décembre prochain.

Ce calendrier semble aller dans le sens de celui du chef d’état-major des forces armées algériennes, Ahmed Gaïd Salah, qui – après deux reports (18 mai et 4 juillet) – avait souhaité que cette élection se tienne dans la limite des trois mois après la convocation du corps électoral, le 15 septembre dernier.

Si cette décision était attendue, alors que les Algériens continuent, avec gaîté et détermination à réclamer dans la rue, tous les vendredis, la démocratie, cette décision prise sans réelle concertation, ne semble pourtant correspondre réellement aux aspirations de la jeunesse algérienne.

Celle-ci, réclame, depuis la démission d’Abdelaziz Bouteflika, en avril dernier, vendredi après vendredi, depuis 46 semaines déjà, que l’on écoute ses doléances et que l’on respecte son envie de mettre fin à la corruption qui a sapé les ressorts de l’économie algérienne, malgré les formidables richesses dont ce pays, qui nous est si cher, dispose.

La mise en place de l’Autorité nationale chargée de l’organisation des élections a été confiée à l’ancien ministre de la Justice, Mohamed Charfi et, d’ores et déjà dix candidats se sont déclarés candidats.

Il faut s’en réjouir !

Il convient de rester, néanmoins, particulièrement soucieux du respect du principe de la non-ingérence dans les affaires algériennes, quoique nos liens indéfectibles avec l’Algérie, nous obligent à écouter le pouls vibrant de la société algérienne. Il bat de part et d’autre de la mer Méditerranée.

L’on ne saurait ainsi rester indifférent à la formidable aspiration démocratique qui s’exprime depuis l’annonce de la non candidature pour un cinquième mandat de l’ancien président Bouteflika.

Pourtant, ce principe de la « non-ingérence et de la non indifférence » est, régulièrement, brandi comme un « épouvantail » qui, nous empêche, hélas d’envisager notre relation avec l’Algérie dans la sérénité et l’intérêt commun, 57 ans après l’indépendance.

Bien d’autres états n’ont pas ces préventions !

Plusieurs médias français et européens, ont, en effet, fait écho des influences et affinités plus ou moins secrètes avec certains partenaires économiques, diplomatiques et sécuritaires de l’Algérie.

Si l’on évoque souvent que le chef d’état-major est diplômé de l’Académie militaire d’artillerie Vystrel de Moscou, l’on évoque moins les relations spéciales que ce dernier a noué avec le prince héritier des Emirats Arabes Unis, Mohamed Ben Zaïd (dit « MBZ »).

Il est vrai que ce dernier, partage avec son voisin et allié saoudien, le prince héritier saoudien, Mohamed Ben Salmane (souvent appelé par son sobriquet « MBS »), le titre de prince héritier et de ministre de la Défense, justifiant des rencontres régulières avec le chef d’état-major algérien, qui est, par ailleurs, vice-ministre de la Défense, depuis 2013.

Néanmoins, les liens d’amitiés militaro-diplomatiques n’expliquent pas tout. Plusieurs médias algériens et français se sont ainsi fait l’écho récemment des intérêts économiques liant le haut commandement des forces armées algériennes à plusieurs sociétés émiraties.

Le cas le plus documenté reste celui du contrat de fabrication, en Algérie, de véhicules et moteurs allemands Mercedes-Benz, Deutz et MTU Friedrichshafen GmbH, dans les usines de Tiaret, Rouiba et Oued Hamimine, à travers la société mixte SAFAV-MB, relevant du ministère de la Défense et de la société nationale des véhicules industriels (SNVI), mais dont 49% appartient au fonds d’investissement émirati « Aabar ». Il en va de même avec les investissements émiratis dans les ports secs, plates-formes de transit et hubs logistiques du Grand sud algérien, notamment ceux de Tindouf et de Tamanrasset, confirmant l’agenda sahélo-saharien des investisseurs de Dubaï.

A travers ces exemples, sur le plan économique et industriel, se confirme ainsi qu’en guise d’ingérence, le plus souvent brandie contre la France quand elle ose défier le pouvoir « non constitutionnel » incarnée par le Haut commandement des forces armées, d’autres pays devraient aussi être désignés. Il en est ainsi des EAU comme de l’Arabie Saoudite, qui tentent de jouer en Algérie la même partition qu’ils ont joué et continuent de le faire en Libye, en Egypte ou encore au Soudan.

Comparaison n’est certes pas raison !

Pourtant, au-delà du seul cas algérien, le point commun est d’évidence une inclinaison vers la « prétorianisation » du paysage politique de ces différents théâtres. Bien que sans doute trop binaire, cette dichotomie se décline entre manifestants soutenus au Soudan, en Egypte et en Algérie par le Qatar et la Turquie, d’une part, et les nouveaux ressorts et acteurs de la diplomatie des princes héritiers saoudien et émirati, nettement plus enclins à mettre en exergue leurs liens et soutiens avec les militaires algériens, soudanais et libyens – en l’espèce ceux regroupés au sein de l’Armée nationale libyenne (ANL) du Maréchal Khalifa Haftar.

En somme, l’on serait presque condamné à la vérité d’Al-Jazeera d’un côté et celle d’Al-Arabiya, Al-Hurra et Dubaï TV, de l’autre…En politique étrangère comme dans le traitement médiatique, la politique ne devrait jamais se réduire à un jeu à somme nulle !

Dans cette stratégie géopolitique et géo-économique post-révolutionnaire, presque huit années après le « Printemps arabe » de 2011, Riyad et Abu Dhabi semblent ainsi chercher à se présenter comme les « hérauts » d’une nouvelle forme de prétorianisme fortement mâtiné d’un conservatisme sociétal voire religieux, comme c’est le cas au Soudan. En jouant ainsi, MBS et MBZ se cherchent des alliés ;

Qu’il s’agisse de Gaïd Salah en Algérie, de Khalifa Haftar en Libye ou de Fattah al-Burhan au Soudan, tous ont l’insigne mérite aux yeux des deux princes héritiers de dépendre financièrement et diplomatiquement d’eux.

Le « Hirak » (traduction arabe de « mouvement »), si légitime et si populaire soit-il, après plus de 30 semaines, sept mois, de constante et vigilante mobilisation en faveur d’un réel changement démocratique, aura, cependant bien du mal à braver la nouvelle stratégie de la tension que le haut-commandement des forces armées algériennes semble désormais vouloir imposer aux Algériens. La dernière manifestation du vendredi 20 septembre, nous en donne un aperçu. Il s’agit désormais d’interdire aux manifestants l’accès à Alger, en multipliant le filtrage d’accès à la capitale. Bref, un « état de siège » comme décrit par certains des responsables des mouvements de protestation…

A force de respecter strictement le principe de « non- ingérence et non indifférence », l’on en viendrait presque à oublier que d’autres, eux, n’hésitent pas à le contourner à leurs propres intérêts.

Reste, donc cette lancinante question : est-ce dans notre intérêt et celui des Algériens de feindre de l’ignorer ?

* Emmanuel Dupuy est président de l’Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE).

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