vendredi 29 novembre 2024
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En Algérie, l’armée veut se montrer inflexible

Incarné par le général Ahmed Gaïd Salah, le haut commandement de l’armée a de facto pris les rênes du pays depuis que, soucieux de calmer un mouvement de contestation inédit né le 22 février, il a contraint Abdelaziz Bouteflika à la démission, le 2 avril, après 20 ans de pouvoir.

Effacé, Abdelkader Bensalah, chef de l’Etat par intérim, fait office de « façade » constitutionnelle, appliquant les orientations « suggérées » par le général Gaïd Salah lors de ses nombreuses allocutions sur la situation politique –une trentaine ces cinq derniers mois.

Mais, en fixant au 15 septembre précisément la date de lancement du processus électoral, le chef d’état-major a pour la première fois adressé ce qui s’apparente à un ultimatum public à M. Bensalah, à qui revient constitutionnellement la charge de convoquer les élections.

C’est « une façon de dire à Bensalah (…), tu ne pèses rien sur l’échiquier et c’est moi qui décide », juge Moussaab Hammoudi, chercheur doctorant à l’Ecole des Hautes études en Sciences sociales (EHESS) à Paris.

Dans le sillage de cet ultimatum, « l’instance de dialogue », chargée par le pouvoir de trouver une solution à la crise, a remis dimanche son rapport final au président intérimaire. En écho au chef de l’état-major, il prône la tenue d’une présidentielle « dans les plus brefs délais ».

« Opacité »

Derrière M. Bensalah, c’est aussi à un cercle « dissident » de généraux que pourrait bien s’adresser le général Gaïd Salah, suggère Moussaab Hammoudi, en évoquant de potentielles « fractures internes » au sein du haut commandement militaire.

Le fait qu’Abdelkader Bensalah refuse jusque-là « d’annoncer la convocation du corps électoral semble indiquer qu’il est poussé par d’autres cercles militaires qui sont contre la manière de faire de Gaïd Salah », avance le chercheur.

Le 15 septembre, « on verra s’il signe ou non le décret » de convocation, et cela « reflètera les rapports de force au sein du haut commandement militaire », poursuit-il.

Difficile d’apprécier ces éventuelles dissensions, tempère Dalia Ghanem Yazbeck, docteure en Sciences politiques.

Au sein de l’appareil algérien, « l’opacité est telle que même ceux qui sont dans le système ne connaissent pas les tenants et les aboutissants », souligne cette chercheuse au Carnegie Middle East Center de Beyrouth, qui se dit « pas surprise » par le dernier discours d’Ahmed Gaïd Salah.

Depuis le départ de M. Bouteflika, « c’est l’armée qui gère la +transformation+ politique, elle le fait avec des +guidelines+ (directives générales, NDLR). Les militaires ont insisté depuis le début (…) pour organiser des élections alors même que les conditions ne s’y prêtaient pas ».

Aucun candidat n’osant se présenter face à l’ampleur de la contestation, une présidentielle prévue le 4 juillet, à la limite du délai d’intérim, a dû être annulée, plongeant l’Algérie dans l’inconnue.

« Deal implicite »

Désormais, le général Gaïd Salah « n’a plus besoin de donner de vernis légal » à la situation actuelle, parce que « tout le monde sait que (…) l’homme fort du régime algérien (…), c’est lui », renchérit Dalia Ghanem-Yazbeck.

Le pari d’un essoufflement ou d’une fragmentation de la contestation ayant échoué, les généraux sont contraints de tenter d’accélérer le processus.

Mais organiser une élection aux forceps s’avère risqué, alors que les manifestants continuent de rejeter tout scrutin tant que les ex fidèles de M. Bouteflika –M. Bensalah et le général Gaïd Salah en tête– sont au pouvoir, arguent les deux experts.

« Les conditions objectives d’une élection ne sont pas réunies », dit Moussaab Hammoudi, « le corps électoral est dans la rue, il n’y a pas de candidat (…), le fichier électoral n’a pas été actualisé… »

Dalia Ghanem-Yazbeck confirme: « Jusqu’à maintenant les élections présidentielles en Algérie ont toujours respecté un +deal+ implicite entre le peuple et le régime »; le régime –c’est à dire principalement l’armée et les apparatchiks– fournissait un candidat et le peuple « jouait le jeu » en allant aux urnes.

« Tous les présidents ont été amenés comme ça » au pouvoir, y compris M. Bouteflika en 1999, rappelle la chercheuse. « Ce que le mouvement du 22 février a changé, c’est que ce deal n’est plus acceptable » pour les Algériens.

Les isoloirs risquent donc de rester vides et maires et magistrats de refuser d’encadrer le vote.

Vouloir « organiser des élections (…) ne va pas arranger les choses. Bien au contraire, la crise est en train de s’exacerber », estime Mme Ghanem-Yazbeck.

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