samedi 2 novembre 2024
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En Algérie, la contestation contre le « système » ne s’arrête pas

Les manifestants, qui se massent depuis ce matin dans les rues d’Alger, dénoncent par avance un scrutin frauduleux ne servant qu’à conforter le pouvoir intérimaire dont ils réclament le départ.

Sur les réseaux sociaux, où est née la contestation qui a abouti à la démission le 2 avril d’Abdelaziz Bouteflika, les appels à manifester ont repris ces derniers jours pour la 8e semaine consécutive, notamment sous le mot-dièse « Ils partiront tous ».

Deux heures avant le coup d’envoi prévu du cortège, plusieurs milliers de personnes sont déjà rassemblées au coeur d’Alger. L’ampleur de la mobilisation sera jaugée attentivement par chacun des deux camps, qui maintiennent leurs positions.

Le pouvoir entend poursuivre le processus prévu par la Constitution: l’élection d’un nouveau président sous 90 jours. Manifestants et société civile réclament eux la mise en place d’institutions ad hoc, en vue d’une véritable transition post-Bouteflika.

Sera également scrutée, l’attitude de la police qui a semblé moins tolérante ces derniers jours à l’égard des rassemblements dans la capitale.

Vendredi, pour la première fois en 8 semaines de défilés hebdomadaires dans la capitale, des policiers en tenue anti-émeutes ont limité plusieurs heures de la matinée l’accès au parvis de la Grande Poste, épicentre de la contestation dans le centre d’Alger, avant de finalement libérer l’accès, selon des journalistes de l’AFP.

Mais plusieurs centaines de manifestants les ont devancés en s’installant dès l’aube sur les escaliers de ce bâtiment néo mauresque emblématique du coeur de la capitale, venus pour certains d’autres villes après de longues heures de route, ralentis par de nombreux barrages filtrants de la gendarmerie.

Une tentative de la police, sans force excessive, de les évacuer en fin de matinée a échoué, les policiers en sous nombre se retrouvant encerclés par les manifestants qui criaient « Silmiya, Silmiya » (« pacifique, pacifique », en arabe) et les appelaient à les rejoindre.

Les manifestants ont ouvert un passage pour leur permettre de rebrousser chemin, sans incident.

Présidentielle rejetée

Rejetée par la contestation, la présidentielle devant élire un successeur à M. Bouteflika, a été fixée au 4 juillet par le chef de l’Etat par intérim, Abdelkader Bensalah, 77 ans, figure de l’appareil mis en place par le président déchu.

« C’est clair que les élections seront truquées avec eux » (les anciens partisans de M. Bouteflika), lance Hamid Bouchnab 24 ans étudiant à Jijel: « Nous n’avons pas confiance alors nous refusons », qu’ils gèrent l’après-Bouteflika, « nous refusons Bensalah. Nous l’avons dit et nous le redirons jusqu’à ce qu’il comprenne ».

Désigné par la Constitution pour assurer l’intérim, M. Bensalah est devenu la cible des slogans qui visaient initialement Bouteflika, président malade dont il était ces dernières années la « doublure » officielle, en Algérie et à l’étranger.

Louisa Dris-Aït Hamadouche, enseignante en Sciences politiques à l’Université d’Alger 3, s’attend à une manifestation « probablement intense et massive ». « Le soulèvement populaire a déjà donné sa réponse à l’intronisation de Bensalah » comme chef de l’Etat par intérim le 9 avril, poursuit-elle.

« L’élection du 4 juillet est rejetée par le peuple qui refuse également la nomination de Bensalah », renchérit Mahrez Bouich, professeur de philosophie à l’université de Bejaia (250 km à l’est d’Alger).

« Légale mais non légitime »

Pour les protestataires, cette présidentielle organisée en trois mois ne peut être libre et équitable car elle serait organisée par des institutions et personnalités héritées des 20 ans de pouvoir de Bouteflika, marqués par des scrutins frauduleux selon l’opposition.

M. Bensalah a reçu le soutien implicite de l’armée, revenue au centre du jeu politique depuis que son chef d’état-major, le général Ahmed Gaïd Salah, a lâché M. Bouteflika rendant inéluctable sa démission.

Le général Gaïd Salah a estimé « irraisonnable » une transition hors du cadre institutionnel actuel, et promis aux manifestants que l’armée garantirait « la transparence et l’intégrité » du scrutin.

« L’essentiel pour l’armée est d’avoir un président rapidement, pour avoir des institutions stables et se concentrer sur ses missions de sécurisation du pays », analyse Rachid Grim, qui enseigne les Sciences politiques à l’Institut supérieur de gestion et de planification (ISGP).

Cette présidentielle est « légale mais non légitime », selon Louisa Dris-Aït Hamadouche.

Le pouvoir va scruter attentivement la mobilisation dans l’espoir d’un affaiblissement.

« Trois mois, c’est long pour un mouvement populaire, pour le moment il tient bon », note Louisa Dris-Aït Hamadouche.

Mais, à l’inverse « trois mois c’est court » pour transformer un mouvement populaire en mouvement politique organisé, souligne Rachid Grim, estimant qu’une telle structuration n’est « pas pour demain ».

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