samedi 23 novembre 2024
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Face à la censure et la répression, nous ne céderons pas

Suite à l’annulation par l’université d’Evry d’un débat sur les « violences policières », Yasser Louati, militant contre l’islamophobie, et Mathieu Rigouste, sociologue, qui devaient tous deux participer à cette rencontre-débat intitulée « Mais que fait la police ? », réagissent.

Ce lundi 17 Octobre 2016, Mathieu Rigouste, sociologue, et moi même, militant des droits de l’homme et des libertés publiques, devions prendre la parole à l’Université d’Evry pour une conférence débat sur les violences policières. A la surprise générale, les organisateurs ont reçu l’ordre d’annuler l’évènement et ce, directement de la part du président de l’institution Monsieur Patrick Cumi. Pour être sûre que l’ordre sera appliqué, la direction de l’Université y a même interdit l’accès à « tous les militants. » Nous dénonçons ce terrorisme idéologique d’Etat qui voudrait empêcher tout débat sur les pratiques policières qui ne sont un secret pour personne mais que l’Etat fait mine d’ignorer. Sous couvert d’état d’urgence, la parole des militants se retrouve bridée et toute voix dissonante au discours officiel antiterroriste est disqualifiée. 

« La censure pour raison d’état d’urgence »

La domestication des états-majors universitaires par les pouvoirs politiques et économiques s’approfondit tout au long de la restructuration néolibérale et sécuritaire. Ce processus s’accompagne d’un renforcement des collaborations entre l’Université et les pouvoirs policiers et militaires comme les trinômes académique de défense censés former les futurs idéologues de l’appareil répressif. Cette dernière n’a peut-être pas toujours eu pour mission historique auprès des classes privilégiées d’empêcher l’émergence de moyens autonomes et collectifs d’analyse critique. Mais depuis la fondation de l’Etat-nation moderne, si des savoirs émancipateurs en ont émergé et se sont répandus parmi les classes populaires, c’est que des résistances collectives s’y sont organisées sans répits, à l’intérieur. 

La censure de nos conférences-débats illustre ce propos. Comme une source anonyme l’indique, la présidence de l’université aurait effectivement été contactée par la police, affirmant au nom du ministère de l’Intérieur que « l’événement ne pourra pas se tenir. » Et les épandeurs de démocratie avaient vu juste. Nous allions effectivement tenter de mettre en commun, avec d’autres êtres pensants, des éléments d’enquêtes permettant de cartographier les restructurations en cours dans les appareils policiers. Nous allions essayer ensemble de comprendre ce qui est à l’œuvre et il faut avouer que le faire dans une université, c’est un peu gonflé. De ce point de vue, la direction de l’Université d’Evry a donc l’intelligence de nous censurer et, en plus, elle est dans son droit, car, comme elle l’indique dans un argumentaire aussi dense que perspicace, c’est l’état d’urgence, le même qui permet à la fachosphère de se réunir pour évoquer la guerre civile et l’utilisation des armes contres les citoyens de confession musulmane. 

« Nous dénonçons le chantage affectif et l’instrumentalisation de l’agression de policiers »

Nous dénonçons tout autant le chantage affectif et l’instrumentalisation de l’agression de policiers. Ce n’est pas un hasard si le 13 mai 2016 déjà, le comité contre la torture de l’ONU a sévèrement critiqué la France pour l’application de « perquisitions abusives, les violences physiques, humiliations et décès liés aux pratiques des forces de l’ordre, ainsi que le ciblage des citoyens de confession musulmane, des Roms et des migrants déjà victimes des répercussions post-attentats. » La récurrence des cas de décès (350 depuis 20 ans) et de mutilation qui se comptent par centaines démontrent la nature systémique de cette brutalité. Les quartiers populaires, les citoyens de confession musulmane, les personnes racisées, les classes modestes et tous les laissés pour compte du néolibéralisme vivent avec l’humiliation quotidienne des contrôles au faciès – assumés par l’Etat- doublés de violence toujours impunie. Les récents mouvements sociaux réprimés dans le sang n’ont que mis au jour l’accumulation d’un savoir faire qui a quitté la banlieue pour être appliqué en plein Paris. 

Un autre rapport, celui de l’Association Chrétienne Contre le Torture (ACAT) fustigeait l’impunité de la police en des termes explicites: « Les forces de l’ordre françaises jouissent d’une relative impunité lorsqu’elles sont responsables de violences qui violent les principes de proportionnalité et de nécessité. » L’ordre d’interdiction nous démontre par l’exemple, que la direction d’une université a bien pour mission, en plus d’encadrer la restructuration néolibérale et sécuritaire, de gouverner le champ de production et de diffusion de savoirs légitimes d’État. Et ce au profit et dans l’intérêt des « raisons de sécurité et de maintien de l’ordre public, liées notamment aux exigences du plan Vigipirate »1, nous dit-on dans un dialecte qui résume assez bien tout seul d’où il vient. 

« La ‘liberté d’expression’ est le privilège des classes dominantes »

D’ailleurs, le même jour que notre invitation, Valls tenait un discours à Evry, justement, quelle coïncidence. Il confirme ainsi l’hypothèse 49.3 qui consacre son œuvre : la « liberté d’expression » est une construction discursive mythologique, un dispositif de légitimation des politiques impérialistes occidentales, à l’extérieur et à l’intérieur de leurs territoires. Cette « liberté d’expression » est le privilège des classes dominantes et de ceux qui propagent la haine des dominé(e)s. Alors que de plus en plus de personnes s’intéressent précisément à l’origine de toute cette violence répressive, les fonctionnaires du Ministère de l’Intérieur n’ont que renforcé notre conviction que ce travail de résistance critique doit être poursuivi. Nous avons raison de continuer à construire des lieux et des moments de recherche et de formations, collectifs populaires et autonomes. Ce n’est que partie remise.

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