Ils ont voulu « toucher un public nouveau, différent » et « emmener le lecteur dans un récit vivant ». Alain Gresh et Hélène Aldeguer, respectivement directeur et dessinatrice chez Orient XXI, ont choisi la bande-dessinée pour relater le conflit israélo-palestinien. Si celui-ci se déroule loin de chez nous, il reste « une histoire française », comme l’indique le sous-titre de la BD « Un chant d’amour » (aux éditions La Découverte). Une bande-dessinée qui débute par une scène peu banale datant de 2013. François Hollande, à l’Elysée depuis un an, est attablé avec Netanyahu. Le président français déclare alors son amour pour Israël sur fond de « Laisse-moi t’aimer », le tube de Mike Brant interprété par une chanteuse israélienne. Les auteurs du livre remontent ensuite aux origines du conflit, en 1967. On y voit un général de Gaulle « isolé ». A l’époque, Israël est David, les pays arabes, Goliath. Si Charles de Gaulle, à l’époque, « remet en cause l’alliance stratégique que la France avait nouée avec Israël dans les années 1950 », il doit faire face à une mobilisation populaire, notamment pensée par des intellectuels et des artistes, en faveur de l’Etat sioniste.
Un « tournant silencieux » dans les relations France-Israël
C’est un véritable cours d’histoire que nous donnent ici Alain Gresh et Hélène Aldeguer. Certes, tous les lecteurs qui s’intéressent au conflit qui agite depuis un demi-siècle le Proche-Orient connaissent ses origines et ses enjeux. Mais cette bande-dessinée nous rappelle des épisodes peu connus de l’histoire. Un livre qui se lit comme une bande-dessinée classique. Sauf qu’ici, tout est vrai. Les auteurs nous offrent là une BD didactique, divisée chronologiquement. On plonge ainsi dans l’histoire de la Palestine et d’Israël, mais c’est également l’occasion de bien comprendre pourquoi ce conflit est source de discordes en France aujourd’hui. Depuis le début des années 2000, le rapprochement de la France avec les Etats-Unis et l’OTAN a en effet changé la donne : Israël est, pour ces pays, un allié dans la lutte contre le terrorisme et l’islamisme. Un « tournant silencieux », comme le définit Alain Gresh, dans la diplomatie française qui, si elle est aujourd’hui favorable à la solution à deux Etats, a resserré ses liens avec Tel-Aviv. Etouffant ainsi les voix antisionistes et pro-boycott.