Interrogé d’emblée sur son évaluation des forces politiques en présence dans l’élection présidentielle française, le constat que Chevènement dresse est amer. « [Ce scrutin] marquera une mutation profonde dans l’histoire de la Vème République. Les deux partis qui ont dirigé le pays depuis un demi-siècle sont au bord de l’effondrement ». D’une part, l’ancien candidat à la présidentielle de 2002 souligne les fractures du parti socialiste, écartelé entre la gauche mélenchonnaise, le social-libéralisme de Macron et « ce qui reste entre les deux », emmené par Hamon. Un vainqueur de la primaire socialiste dont l’ex-ministre fustige la proposition de « revenu universel » qui « implique que les gens puissent prendre leur retraite avant même d’avoir commencé à travailler ». De l’autre côté, il estime que l’écroulement de la droite est dû à la « grande fragilité » du gagnant de la primaire, François Fillon, que Chevènement cherche à défendre : « Cela peut paraître injuste car Fillon n’a jamais été impliqué dans de grands scandales de type trafic d’armes ou autres ; mais il a été, malheureusement pour lui, éclaboussé par des affaires que tout le monde comprend : on lui a offert des costumes, l’emploi de sa femme paraît fictif,… Il lui sera très difficile d’avancer à contre-courant ». Quant à Emmanuel Macron, Chevènement attribue sa percée par défaut, bénéficiant du phénomène général de « dégagisme, qui a emporté Hollande, Sarkozy, Juppé et Valls, et qui s’abattra sur arnaud Montebourg au Parti socialiste et sur Fillon ». Au-delà, le chantre républicain redoute l’impossibilité de former une majorité cohérente à l’Assemblée en juin prochain, ce qui ouvrirait la voie à une VIème République.
« Daesh veut la guerre civile entre certaines catégories de Français »
Et les nouvelles venant de l’étranger ne sont guère plus réjouissantes, entre l’élection de Trump aux Etats-Unis, la mainmise de Poutine en Russie ou les soubresauts aux Proche- et Moyen-Orient . « Il est d’abord indispensable d’identifier les risques, et ceux-ci viennent d’abord du Sud, et non de l’Est. (…) L’Etat islamique tente d’instaurer la guerre civile entre certaines catégories de Français« . Et pour répondre à ces défis externes et notamment, à « des flux migratoires qu’il est difficile de contenir », celui qui se définissait comme « souverainiste convaincu » voit la solution dans la mise en oeuvre d’un « grand projet européen allant de l’Atlantique à la Russie ». « L’Europe doit assumer sa propre défense mais selon une position défensive et non agressive ou occidentaliste de simple soutien aux Américains. Nous devons rester en dehors de conflits qui ne sont pas les nôtres et avons besoin d’un accord européen sur la sécurité afin d’apaiser les tensions avec la Russie ». Pour Chevènement, avoir délaissé les relations avec le géant d’Europe de l’Est et tout miser sur l’Allemagne a été une grande erreur des gouvernants français. « La France est à la traîne de l’Allemagne, qu’elle pensait contrôler en acceptant la monnaie unique. [Or] c’est le contraire qui est arrivé », regrette-t-il. Il en va, selon lui, de l’indépendance de la France.