Interrogée sur le burkini, sur le Premier ministre et sur l’état de la gauche en France, l’ancienne ministre de la Justice Christiane Taubira a répondu sans détour à Libération dans un entretien fleuve.
Christiane Taubira effectue son grand retour médiatique. Avant d’être l’invitée de « Quotidien », la nouvelle émission de Yann Barthès sur TMC, l’ancienne ministre de la Justice a répondu aux questions de Libération dans un entretien fleuve, ce dimanche 11 septembre. Elle revient sur les débats qui ont agité l’été, dont celui du burkini, mais également de François Hollande, de la présidentielle et de la gauche. A propos de cette dernière, elle assure qu’elle « risque de disparaître. » « La question n’est pas de soutenir untel ou untel mais de savoir si nous serons capables, nous à gauche, sous peine de disparaître — et pour un moment —, de nous engager pour l’égalité, la cohésion sociale, une République exigeante, bienveillante, présente », explique l’ancienne Garde des Sceaux.
La gauche « va dans le mur » et « risque la disparition »
Selon Christiane Taubira, le délitement de la gauche a débuté en 2002. « Si la gauche est dans cet état de délabrement aujourd’hui, c’est parce qu’en 2002, on a cherché un bouc émissaire au lieu de se demander ce qui s’était passé, explique celle à qui l’on a reproché d’avoir dispersé les voix à gauche. Depuis, le PS n’a fait aucune analyse politique de cette défaite. » Un délitement qui s’est poursuivi ces dernières années, notamment sous l’impulsion de Manuel Valls. A la question de savoir si ce dernier a fait du bien ou du mal à la gauche, l’ex-ministre répond, après un long silence, « Allez le demander à la gauche. » Christiane Taubira n’en dira pas plus sur le Premier ministre. Mais elle assure que la situation est catastrophique pour la gauche : « Oui, on va dans le mur. Oui, on risque la disparition de la gauche au second tour de la présidentielle… », dit-elle.
« Le burkini n’est pas une déclaration de guerre à la République »
Egalement interrogée sur le burkini, Christiane Taubira s’éloigne de la ligne du Premier ministre. « Je ne pense pas que le burkini soit une déclaration de guerre à la République », estime l’ex-Garde des Sceaux, qui cite plusieurs sociologues qui « ont expliqué que ce vêtement de bain permet à des femmes d’aller à la plage et de se baigner alors qu’elles n’y allaient pas auparavant. » Pour elle, cet argument, bien que rejeté par une partie des féministes, « n’est pas négligeable. » Mais Christiane Taubira préfèrerait que, « dans une période de grande fragilité collective et de dangers réels, on crée de la cohésion plutôt que de la fragmentation. » Et l’ancienne ministre de la Justice de rappeler le concept de laïcité à la française : « L’espace public, c’est le lieu de la République. Et ce qui délimite ce lieu, ce sont les règles, nos lois. C’est ce qu’a rappelé le conseil d’Etat », résume-t-elle.