159 et 99. Ces deux chiffres traduisent l’évolution fulgurante du nombre de crimes islamophobes recensés par les autorités canadiennes entre 2014 et 2015, qui ont donc bondi de 61% en un an. Le rapport publié la semaine dernière par Statistique Canada et intitulé Les crimes haineux déclarés par la police au Canada en 2015 souligne pourtant qu’à un niveau plus global, les crimes de haine toutes cibles confondues ont augmenté de 5%. Un grand écart que l’agence de statistiques officielle attribue à « la forte augmentation des incidents visant certains groupes religieux et ethno-culturels, notamment la population musulmane, les Arabes et les Asiatiques de l’Ouest ». Précisément, sur les incidents criminels « motivés par la haine à l’encontre d’un groupe de personnes sur la base de leur race, couleur de peau, ethnie, religion, orientation sexuelle ou autres » en 2015, plus d’un sur trois (35% exactement) revêtait un caractère anti-religieux. Et il valait mieux ne pas être un Musulman noir : de tous ces crimes haineux, les Noirs ont payé le plus lourd tribut, concentrant 17% du total des crimes recensés par la police canadienne, les crimes islamophobes représentant pour leur part 12% de l’ensemble (à quasi-égalité avec les crimes antisémites). « [Ces] chiffres ne rendent compte que d’une partie de ce qu’il se passe quotidiennement dans nos quartiers, sur nos lieux de travail, dans nos écoles et dans nos lieux de culte », prévient Khalid Elgazzar, vice-président du Conseil national des Canadiens musulmans (NCCM).
Musulman, noir, femme : le trio perdant
Un avis que partagent les auteurs du rapport statistique, qui considèrent que « seulement 35% des incidents censément motivés par la haine sont effectivement dénoncés à la police », ce qui leur fait dire que les chiffres 2015 « sous-estiment probablement l’étendue réelle du crime de haine au Canada ». En effet, depuis l’attentat meurtrier d’une mosquée de la ville de Québec en janvier dernier, des dizaines de crimes visant la communauté musulmane ont été reportés sur tout le territoire canadien. Des crimes qui vont du vandalisme des habitations privées et des mosquées aux manifestations ouvertement islamophobes qui ont essaimé dans les grandes villes du pays. Et parmi les victimes de ces agressions répétées du quotidien, les femmes voilées sont les premières affectées. « Les femmes musulmanes en particulier subissent de plein fouet ces crimes de haine« , confirme un représentant du Conseil canadien des femmes musulmanes. « C’est une réalité malheureuse qui se développe dans la rue, au travail ou dans les centres commerciaux. », faisant référence tant aux agressions verbales que physiques.