« Le 7 mai, quel bulletin de vote ? Pas celui de la peur, de la haine, du rejet, du mensonge, de l’exclusion, du repli : c’est l’opposé de l’Evangile. » Sur son compte Twitter, l’évêque de Troyes, Mgr Marc Stenger, a pris une position claire contre le Front National. Sans toutefois citer explicitement le nom du parti de Marine Le Pen ni même celui de la candidate. Mgr Pascal Wintzer, archevêque de Poitiers, dénonçait, lui, le populisme, visant à demi-mots la fille de Jean-Marie Le Pen. Depuis plusieurs semaines, l’Eglise catholique a entamé un jeu d’équilibriste quant à l’élection présidentielle française. Même le pape a fait mine de ne pas comprendre la politique française pour éviter d’avoir à se prononcer. Pourquoi n’appelle-t-elle pas clairement à voter contre Marine Le Pen là où les organisations juives et musulmanes de France se sont clairement engagées ? Voilà qui s’explique par plusieurs raisons.
Un vote anti-FN historiquement élevé chez les cathos
La première, c’est l’hétérogénéité du vote catholique. Contrairement aux instances musulmanes, l’Eglise ne donne pas de consigne, estimant les pratiquants assez intelligents pour faire leur choix en âme et conscience. Les fidèles catholiques sont d’ailleurs moins nombreux que la moyenne des Français à voter pour le Front National. Selon un sondage Harris Interactive, les pratiquants catholiques ont voté au premier tour à 44 % pour François Fillon et à 16 % pour Marine Le Pen. « La pratique religieuse continue d’être un frein au vote d’extrême droite » assure Jean-Daniel Lévy, de Harris Interactive. Mais ce dernier déplore que, « avec le temps, la digue s’est un peu affaiblie », même si « elle tient toujours. » Une digue fragile effectivement. Christine Boutin, présidente du parti Chrétien-démocrate, a appelé clairement à voter pour le FN. Beaucoup de catholiques de la Manif pour Tous et de Sens commun devraient la suivre. Mais Emmanuel Macron devrait faire un score plus élevé chez les catholiques que sa rivale, dimanche.
Pas d’ingérence politique de la part de l’Eglise catholique
La seconde raison, c’est la volonté de l’Eglise de ne pas intervenir dans le choix des électeurs. Une décision qui date de plus de quarante ans avec la sortie, en 1972, d’un rapport intitulé « Pour une pratique chrétienne de la politique ». Dans ce long document, on insiste notamment sur la diversité d’opinions au sein de la communauté catholique française. L’Eglise incite donc ses fidèles à s’engager, sans toutefois donner de pistes précises. Du côté des instances dirigeantes du catholicisme, on estime qu’il serait mal venu de prendre une position pour tel ou tel candidat, chacun des fidèles français pouvant se faire une idée par lui-même. Pourtant, en 2002, plusieurs représentants de la Conférence des évêques avaient clairement appelé à faire barrage au Front national. Sans toutefois appeler à voter nommément pour Jacques Chirac. En revanche, si l’Eglise reste bien neutre dans cette présidentielle 2017, des associations catholiques ont décidé, elles, de s’engager contre le FN. Elles sont trente-trois à avoir signé une tribune dans La Croix pour appeler à ne pas céder à « la tentation du repli sur soi. »