La Fondation Jean Jaurès a sorti un rapport pour lequel les auteurs ont longuement discuté de l’Islam avec différentes catégories socioprofessionnelles de Français.
Dans son récent rapport « 2015, année terroriste », la Fondation Jean Jaurès montre qu’une « suspicion » pèse désormais sur l’Islam suite aux derniers attentats de Paris. « Daesh donne à voir à l’opinion française une nouvelle géographie de la violence », écrivent les auteurs de ce document, Jérôme Fourquet et Alain Mergier, qui estiment qu’il existe, chez les Français, « une confusion entre ici et là-bas. » Ainsi, alors qu’ils n’étaient que 58 % de Français à estimer que la laïcité était menacée en 2005, ils sont aujourd’hui 81 % à le penser. Dans l’étude de la fondation, Alain Mergier, sémiologue et sociologue, a interrogé des personnes qui disaient avoir une opinion positive de l’Islam. Sauf que, explique-t-il, « en leur for intérieur, ils pataugent complètement. Ils sont dans un dilemme qui est en-dessous de l’expression. »
Des événements qui changent la vision de l’Islam
Pour la première fois, une étude a décidé de pousser les personnes sondées dans leurs retranchements. Car il est aujourd’hui facile de déclarer avoir une bonne opinion de l’Islam à un sondeur, cela ne coûte rien et permet d’apparaître comme quelqu’un d’ouvert. Mais Alain Mergier est allé plus loin avec ces personnes… « Pour résumer, ils pensent qu’il y a un problème au cœur de l’Islam, et c’est quelque chose de nouveau pour eux », dit-il. Alors que les classes populaires ont été, ajoute le chercheur, « confortées dans leur hypothèse négative sur l’Islam et ont simplifié leur vision du monde, les catégories supérieures, elles, ont senti que les choses étaient plus compliquées qu’elles ne le pensaient. » Les catégories supérieures estiment ainsi que l’Islam « peut mener à la violence, à l’intolérance. »
Attentats, djihadisme, reportages à charge contre l’Islam… Les Français sont abreuvés d’informations anxiogènes sur la religion musulmane. Les agressions à Cologne ont fait basculer de nombreux sondés dans la suspicion. « La question des femmes, des mœurs en général, est un levier essentiel dans la population étudiée », indique Alain Mergier. Ce dernier reprend le témoignage d’une commerçante de l’Hérault : « Je ne dis pas que tous les musulmans sont des violeurs, mais je dis qu’ils ont une vision dégradante de la femme. Je pouvais l’oublier inconsciemment. Avec ce qui s’est passé à Cologne, je ne peux plus. Et je suis mal à l’aise avec moi-même », explique-t-elle. Une autre, à propos des réfugiés, affirme : « En tant qu’humain, je suis pour les accueillir, en tant que femme, je déteste leur façon de voir les femmes. »
Une suspicion qui peut aboutir au repli communautaire
Les auteurs de l’étude ont enfin étudié les répercussions de cette islamophobie rampante sur les prévisions de la prochaine présidentielle. Et le constat est étonnant car, comme l’explique Alain Mergier, si « ces Français restent assez allergiques au Front national », il y a quelque chose de frappant, « c’est le reproche fait à la gauche d’avoir tardé à agir. La fermeté marquée depuis le 13 novembre leur a fait prendre conscience que l’on aurait pu agir avant. » Et malgré cette haine du FN, les catégories supérieures se laissent tenter par les sirènes des partis jouant sur la « mise à jour du logiciel républicain », sur la « redéfinition des principes d’application de la laïcité. » Les auteurs du rapport l’assurent : « La sourde suspicion qui pèse sur la seconde religion de France peut aboutir à des comportements de repli communautaire chez les musulmans et précipiter certains dans la radicalisation. » Et de conclure : « Ces conséquences peuvent à leur tour entraîner un renforcement des rejets. »s