“A partir du moment où (…) cet homme a choisi de se murer dans le silence, mon rôle cesse. Il n’a plus de sens. Je peux me retrouver vilipendé, insulté, assimilé à mon client par une couche de la population ; être seul contre tous ne me dérange pas. Du moment que je porte la parole d’un homme, mais pas son silence. Un médecin sans patient ne guérit personne. Il en va de même de la défense d’un avocat, elle n’existe pas sans le client.” Voilà ce que Me Berton déclare au Nouvel Obs.
Les attaques de Paris en novembre dernier, revendiquées par Daesh, avaient fait 130 morts. Salah Abdeslam est accusé d’y avoir joué un rôle clé en transportant les terroristes. Il a été arrêté à Bruxelles en mars et a gardé le silence depuis son transfert en France en avril. L’enquête n’a pas encore déterminé le rôle exact du suspect de 27 ans.
Dans sa cellule de Fleury-Mérogis, Salah Abdeslam est sous surveillance 24h/24h. Pour Me Berton, qui s’est battu pour mettre fin à cette vidéosurveillance, il s’agit d’une forme de torture psychologique : “Je vous le dis, la prison est en train de transformer Salah Abdeslam en bête sauvage. Sa fenêtre est obstruée par un plexiglass, il n’a pas accès à l’air. Il voit sa famille derrière une vitre, il n’a plus le moindre contact physique avec quiconque, hormis les fouilles au corps. C’est dégradant.”
Les avocats comprennent le mutisme de Mr Abdeslam, qu’ils justifient par le jeu des politiques : “Les postures politiques ont desservi le combat judiciaire. Salah Abdeslam est devenu le symbole de la lutte anti-terroriste, enjeu présidentiel majeur”. Même si les avocats, français et belge, ont été insultés et menacés pour avoir accepté de défendre leur client, Frank Berton et Sven Mary auraient aimé pouvoir conclure cette affaire avec succès. Ils sont d’autant plus navrés de ce silence qu’il laissera les familles des victimes sans réponses.