Organisé à Djerba, en Tunisie, au 33ème jour de la Pâque juive, le pèlerinage de la Ghriba réunit chaque année des juifs du monde entier. L’édition 2017 s’est déroulée ce week-end, du 12 au 14 mai. En provenance de France, d’Israël, d’Allemagne, de Belgique, d’Espagne et même des Etats-Unis, des centaines de pèlerins se sont rassemblés aux abords de la plus ancienne synagogue d’Afrique pour prier et célébrer la « Ziara » dans une ambiance conviviale. Présent pour couvrir cet événement, le reporter du MuslimPost est parti à la rencontre de pèlerins et de curieux, qui nous ont confié leurs impressions.
Une sécurité optimale pour le bon déroulement de la Ghriba
Georges, 65 ans, fait « depuis 25 ans » le voyage de Paris à la Ghriba. « C’est la Ghriba qui t’appelle et qui te tient à vie ! », explique-t-il tout en fredonnant « Aywa Ya Dunya » — comprenez, « La vie est belle » —, du chanteur égyptien feu Abdelhalim Hafedh. « Lâche tout, lâche le travail, l’argent et rejoins-moi ! C’est ce que la Ghriba nous dit. J’ai aussi visité la synagogue de Tunis cette année et c’était magnifique mais pas aussi puissant qu’ici, à Djerba, où l’on vit 2 500 ans d’histoire ! », s’enthousiasme le sexagénaire. Le même enthousiasme anime un quinquagénaire de La Marsa, de la banlieue nord de Tunis. « Chaque année, je visite la synagogue avec ma femme », explique-t-il. Mais cette année, c’est la première fois qu’il assiste au pèlerinage juif. « Il y a beaucoup de nostalgie, j’ai rencontré pas mal de Tunisiens de confession juive que je connaissais à La Goulette, ils gardent des attaches et reviennent tous les ans à la Ghriba », confie l’homme de 55 ans, qui aura noté la « sécurité impressionnante » entourant cette édition du pèlerinage. Il y voit « un message clair du gouvernement tunisien pour le bon déroulement de ce pèlerinage ».
400 pèlerins venus d’Israël pour le pèlerinage
Elodie, 29 ans, débarque de Tel-Aviv, en Israël. Cette ancienne habitante de Djerba a quitté la Tunisie il y a sept ans. « Je n’étais plus venue depuis à la Ghriba parce que je ne me sentais pas vraiment en sécurité », avoue-t-elle. « Même si l’Etat israélien nous recommande chaque année de ne pas effectuer ce pèlerinage, cette année je suis là et je suis très heureuse d’être parmi les miens », ajoute la jeune femme qui souligne un pays « sympathique et accueillant ». C’est aussi pour elle l’occasion aussi de revoir ses proches. « Mes parents, mes oncles et toute ma famille habitent toujours Djerba et ils ne la quitteront jamais ! La Tunisie est notre pays et nous sommes fiers d’être Tunisiens. » Cette année, 400 pèlerins sont venus d’Israël pour assister à la Ghriba. « L’année prochaine, je suis certaine que nous serons trois fois plus nombreux », assure Elodie, qui affirme qu’avec les photos postées sur les réseaux sociaux, « pas mal d’Israéliens ont regretté de ne pas avoir fait le déplacement cette année ». David assiste pour la première fois à ce pèlerinage. « C’est fantastique », s’exclame ce Parisien de 25 ans.
Retisser les liens entre la communauté juive et la Tunisie
Moshé Houri, autre habitant de Paris, est venu de son côté pour représenter le Rabbi Loubavitch. Une façon de revenir sur les traces de ses parents, « originaires de Zarzis », non loin de la Ghriba. « C’est un très bel évènement, c’est vraiment quelque chose de magnifique », déclare-t-il tout sourire. Cet émissaire dit être envoyé « partout dans le monde pour aider les communautés juives à accomplir les lois et les activités religieuses ». L’occasion pour Moshé de rencontrer le petit-fils de Rav Pinson, l’ancien rabbin de Tunis décédé il y a dix ans, et qui avait œuvré durant quarante ans dans la capitale tunisienne. Pour l’émissaire, « le judaïsme est toujours très lié à la Tunisie ». C’est aussi ce qu’a voulu montrer Saïda Bourguiba. Cette Djerbienne musulmane de 48 ans a organisé, avec Annie et Jacqueline, une exposition de photos de la communauté juive, prises à Djerba en 1956 par un photographe américain. Pour Saïda, c’est important que les Juifs originaires de Djerba reviennent sur l’île. « C’est très important qu’on retisse les liens avec nos Juifs, que l’Etat tunisien s’investisse dans le succès du pèlerinage », avance-t-elle. Avant d’espérer, à l’unisson des pèlerins, que le rendez-vous de l’année prochaine attire encore plus de Juifs.