Le concept séduit la génération des trentenaires et renouvelle l’image des boucheries halal. Ou quand le halal rencontre le bio. Chez « Les Jumeaux », la file d’attente ne désemplit jamais. Reportage chez ces pionniers du bio halal.
« Notre religion c’est la religion musulmane, pas celle de l’euro ! » Quand Karim Loumi parle de sa petite entreprise, il veut faire plaisir à sa clientèle sans déroger à ses valeurs. Passionné par son métier, le jeune homme veut faire du « vrai halal ». Ainsi, il travaille directement avec des éleveurs certifiés par l’organisme bio Ecocert, sans passer par des fournisseurs. Il sillonne la France pour choisir les meilleures races, s’assure des bonnes conditions de vie des bêtes et de leur nourriture et possède ses propres sacrificateurs. Une charge de travail énorme, mais le jeune homme ne compte pas ses heures pour sa double exigence : une viande tamponnée par l’association de traçabilité halal AVS et au logo Agriculture Biologique. Il travaille également avec l’entreprise Biolal, pionnière de la volaille bio et halal. « Manger sainement c’est respecter une éthique et cela fait partie de l’Islam. On se doit de faire du bio si on respecte vraiment notre religion », affirme t-il.
Une clientèle musulmane jeune et exigeante
Charcuterie au boeuf, merguez sans gras, agneau pré-salé du Mont Saint-Michel, poulet de Bresse… Karim et Slim, les frères Loumi, ne cessent d’agrandir le choix de leurs viandes. Bientôt, ils commercialiseront le premier foie gras issu d’oies non gavées d’une ferme espagnole. Des produits rares dans les boucheries halal classiques. Et si celle-ci est déclarée « strictement halal » sur la devanture, ce sont surtout les prix décernés lors des concours qui ornent les murs, où affiches coraniques et autres signes religieux sont absents. L’objectif, donner une image plus moderne du halal et élargir la clientèle. « Je suis musulman pratiquant, mais ma boucherie est « laïque ». On a une clientèle non musulmane assez importante et ça fait plaisir », se félicite Karim.
« Je viens une fois par mois et je fais le plein. Ils sont très sympa ici, ils aiment ce qu’ils font et ils le partagent. Je ne suis pas musulmane, ni juive mais je vois vraiment la différence avec les autres boucheries », témoigne Sidonie.
Ici, la grande majorité des acheteurs a entre 30 et 50 ans. La jeune génération se veut plus sensible à l’agriculture biologique et moins consommatrice de viande que leurs parents. « J’ai acheté du gigot et de la souris d’agneau. Je suis venue de Paris, c’est un peu loin, mais mes enfants de 18 et 24 ans sont demandeurs de cette viande. Ils préfèrent manger moins mais de meilleure qualité », confirme Mouna.
Comme elle, les clients sont prêts à débourser davantage ici, où les produits sont vendus parfois trois fois plus cher que dans d’autres commerces halal. Pour l’Aïd par exemple, l’agneau coûtait 300 euros, auxquels il fallait ajouter 50 euros pour la découpe. Mais à ce prix, Karim Loumi assure un « service personnalisé ». Le vendredi 1er septembre, jour de la fête du sacrifice, il est parti lui-même près de Poitiers, où se trouvent les agneaux de lait qu’il a préalablement choisis. « On a ramné les bêtes à l’abattoir vers 7 heures du matin, se souvient-il. Un imam est venu, nous avons fait la prière tous ensemble. Ensuite on a sacrifié les animaux un par un au nom du client », explique le jeune homme, qui a livré la viande les jours suivants dans sa boutique.
Le halal bio, une tendance nouvelle en France
Bon vivant et intarissable sur ses produits et leur provenance, le boucher prend également le temps de conseiller ses clients : temps de cuisson, façon de cuisiner la viande, accompagnement… Il s’est entouré pour cela d’une dizaine d’employés et déménagera bientôt dans un local beaucoup plus grand en face de son magasin, dans la même rue.
Pour les frères Loumi, les affaires marchent bien. Leur chiffre d’affaire a triplé en quelques années, malgré un départ difficile. Les deux hommes peinaient à trouver du bio sans pratique de l’électronarcose sur les bêtes. Ils devaient aussi instaurer des relations de confiance avec les éleveurs, sur un marché quasi inexistant sur le territoire français. Mais Karim Loumi est sûr désormais, d’être sur un créneau porteur. « Chaque année, ce sont plusieurs boucheries bio et halal qui vont se créer. D’ici cinq ans, je pense que cela sera devenu un vrai phénomène de mode ».