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Indépendance du Kurdistan irakien : un référendum à risques ?

Les 4,69 millions d’habitants du Kurdistan irakien ont voté massivement, ce lundi 25 septembre, avec près de trois électeurs sur quatre dans les bureaux de vote. Le résultat du référendum — qui sera connu ce soir — laisse peu de place au doute : la majorité des Kurdes sont en effet favorables à leur indépendance. Mais le gouvernement irakien conteste cette initiative, ainsi que l’Iran, la Turquie et la Syrie qui profèrent déjà des menaces. A l’Organisation des Nations Unies (ONU), le secrétaire général se dit également préoccupé « face à l’impact potentiellement déstabilisateur de ce projet ». Explications.

Qui sont les Kurdes d’Irak ?

Les Kurdes représentent 15 à 20 % de la population irakienne. Ils habitent dans une région du nord de l’Irak, appelée le Kurdistan irakien et comprenant les provinces d’Erbil, Dohouk et Souleimaniyeh. Région autonome depuis 2005 avec la chute de Saddam Hussein, le Kurdistan dispose de ses propres institutions.

Pourquoi le Kurdistan irakien demande t-il son indépendance ?

En juin dernier, le président Massoud Barzani a demandé la tenue d’un référendum, réclamant une indépendance totale vis-à-vis de Bagdad, la capitale. En effet, les Kurdes, qui sont répartis entre l’Irak, la Syrie, l’Iran et la Turquie, rêvent  d’un état indépendant depuis le traité de Lausanne en 1923, qui les a privé de ce droit. Mais pas seulement : « Avec ce référendum, Massoud Barzani utilise le nationalisme kurde comme outil pour renforcer et maintenir son pouvoir (le mandat de Massoud Barzani s’est terminé le 19 août 2015 mais a été prolongé car, depuis, aucun scrutin n’a été organisé pour élire son successeur, ndlr). Il souhaite aussi profiter des fragilités de Bagdad et de la légitimité internationale des Kurdes acquise dans la lutte contre l’Etat islamique », analyse Can Acun, chercheur turc spécialisé en politique étrangère.

Le référendum fait-il vraiment l’unanimité dans la population kurde ?

Malgré ce vœu cher d’indépendance, les Kurdes sont tout de même divisés sur ce référendum. La grave crise économique dans leur territoire, la baisse des cours du pétrole et les tensions internes entre les deux factions politico-militaires — le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) et l’Union patriotique du Kurdistan (UPK) — laissent penser à une partie des Kurdes qu’ils ne sont pas prêts pour l’indépendance. Ils ont peur de voir leur situation s’aggraver, d’autant que le soutien international n’est pas au rendez-vous.

Quelles sont les négociations avec Bagdad ?

Massoud Barzani, également chef du PDK, a précisé que ce référendum, en cas de réponse positive, ne serait pas suivi immédiatement d’une déclaration d’indépendance. Il serait le point de départ de « discussions sérieuses » avec Bagdad. Mais le gouvernement irakien refuse de discuter pour le moment. Le Parlement a appelé au déploiement de l’armée dans les zones que se disputent Bagdad et le Kurdistan. En effet, depuis l’arrivée du groupe Etat Islamique en 2014, les Peshmergas — les combattants kurdes —, ont conquis les provinces de Ninive, de Dyala, Salaheddine, ainsi que Kirkouk, une riche province pétrolière.

Le premier ministre irakien Haïder Al-Abadi déclarait également dimanche dernier à la télévision : « Prendre une décision unilatérale affectant l’unité de l’Irak et sa sécurité ainsi que la sécurité de la région avec un référendum de séparation est contre la Constitution et la paix civile. Nous allons prendre les mesures nécessaires pour préserver l’unité du pays. » Mais l’Irak n’est pas la seule à proférer des menaces.

Pourquoi la Syrie, l’Iran et la Turquie s’opposent-ils à ce référendum ?

La Syrie, l’Iran et la Turquie abritent chacun la population kurde. Ainsi, ils craignent que ces revendications d’indépendance et de liberté ne se propagent jusque dans leur pays et n’obligent à redessiner les frontières datant de la première guerre mondiale. « La Turquie voit un Etat kurde indépendant comme une réelle menace pour sa sécurité nationale. Elle a déclaré qu’elle mettrait en œuvre progressivement des mesures politiques, économiques et militaires contre le Kurdistan », souligne Can Acun. Le pays a déjà annoncé la fermeture de sa frontière terrestre avec le Kurdistan et menace de stopper les exportations pétrolières du territoire, qui sont l’une des principales ressources économiques des Kurdes. L’Iran a quant a lui aussitôt fermé sa frontière aérienne avec la région, par laquelle s’achemine le fioul kurde vers les marchés du Golfe.

Risque t-on une guerre civile dans la région ?

« Les zones contestées comme Kirkouk et Sinjar ont entraîné de nouveaux risques de conflits ethniques et sectaires dans le pays. Les éventuels affrontements entre les Hachd al-Chaabi (milices pro-iraniennes en majorité chiites formée en 2014 pendant la deuxième guerre civile irakienne) et les Peshmergas, ainsi que la participation de l’armée irakienne pourraient aggraver rapidement la situation. Ce chaos profiterait alors au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et au groupe Etat Islamique », s’inquiète le chercheur turc. Les Etats-Unis ont aussi estimé que ce projet d’indépendance empêcherait une lutte efficace contre l’organisation Etat Islamique et qu’il serait un frein à la « stabilisation des zones libérées. »

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