Marine Le Pen a fustigé la loi El Khomri. Selon elle, elle serait une incitation au communautarisme dans le milieu de l’entreprise. Mais au fait, que prévoit cette loi sur le fait religieux dans le monde du travail ?
« Il y a un sujet dans cette loi dont personne ne parle, c’est l’autorisation des revendications communautaristes dans l’entreprise. C’est extrêmement grave, car on attendait du gouvernement qu’il réponde à ces chefs d’entreprises, confrontés à l’augmentation spectaculaire de ces revendications communautaristes dans l’entreprise, pour qu’il puisse se servir de la laïcité et protéger l’entreprise du conflit. Or, c’est exactement l’inverse que dit la loi El Khomri : elle légalise les revendications communautaristes dans l’entreprise. » Marine Le Pen n’est pas contente, et elle l’a fait savoir ce jeudi 17 mars sur RTL. Sauf que, une nouvelle fois, la présidente du Front National surfe sur de fausses informations. Car cette « augmentation spectaculaire de ces revendications communautaristes dans l’entreprise » est un fantasme, pas une réalité.
Quel est cet article de loi qui autoriserait les communautarismes dans l’entreprise, dont parle Marine Le Pen ? Il s’agit sans doute de l’article 6 de la loi Travail qui donne priorité à l’expression des convictions religieuses. « La liberté du salarié de manifester ses convictions religieuses ne peut connaître de restrictions que si elles sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise… » Dans son rapport sur le droit du travail préalable à la loi, Robert Badinter s’était attaqué au sujet. L’ancien ministre soulignait l’importance de « la liberté du salarié de manifester ses convictions, y compris religieuses. » Sa proposition a donc été reprise dans la loi Travail, qui ne modifie pratiquement rien à la précédente législation.
La religion au travail, un faux débat ?
En effet, jusqu’à aujourd’hui, manifester sa religion en entreprise n’a rien d’illégal. Bien au contraire. « C’est la République, et non la société, qui est laïque », expliquait d’ailleurs Marie-Hélène Zorn, responsable des pratiques sociales et réglementaires pour la France chez BNP. N’en déplaise à Manuel Valls qui estime que « le respect de la laïcité dans l’entreprise est un grand principe. » Hors des administrations publiques, il est autorisé de porter des signes religieux, tant que cela entre dans le cadre des lois républicaines. La loi El Khomri ne fait que confirmer cela. Mais alors pourquoi Marine Le Pen accuse cette dernière de favoriser le communautarisme ?
La présidente du FN s’appuie sur des rumeurs affirmant que les revendications religieuses sont de plus en plus fréquentes dans le milieu de l’entreprise. Faux selon l’Observatoire du Fait Religieux en Entreprise (OFRE), qui indique que 80 % des cadres trouvent légitime une autorisation d’absence, pour qu’un salarié puisse célébrer l’Aïd par exemple. Pire, les débats autour du port du voile en entreprise par exemple ne sont que peu fréquents : 23 % des femmes musulmanes affirment placer en priorité de leurs revendications le port du voile dans une société, affirme un sondage. Et quand bien même, le port du voile n’est pas illégal, sauf si l’entreprise juge que cela pose un souci — comme pour les guichetières dans les banques par exemple —. Le rapport Randstad/Observatoire du fait religieux indique par ailleurs que, dans 88 % des cas de revendications liées à la religion dans les entreprises, cela n’entraîne aucun conflit.