Après la décision du Tribunal Administratif de Dijon d’annuler la délibération du Conseil municipal de Chalon-sur-Saône qui avait interdit les menus de substitution dans les cantines scolaires — dans « l’intérêt supérieur de l’enfant » —, nous avons voulu connaître l’avis de la Ligue de l’enseignement, qui regroupe près de 25 000 associations locales. Michel Le Jeune, chargé de mission nationale à la Ligue de l’enseignement sur les questions de restauration collective, nous livre sa réflexion sur les menus de substitution.
LeMuslimPost : Que pensez-vous de la décision de supprimer les repas de substitution dans certaines communes françaises ?
Michel Le Jeune : Tout d’abord, nous n’aimons pas le terme de menus de « substitution. » Cela veut dire qu’il y a un menu noble et que pour cela on « substitue » quelque chose. On peut appeler cela les menus A, B, C ou 1, 2, 3 comme cela se fait déjà, peu importe. Pour répondre à la question, si on supprime les repas déjà existants, le nombre d’enfants va diminuer dans les cantines et on va ainsi à l’encontre du principe d’inclusion. Le temps sur lequel les enfants sont ensemble est important, surtout le temps de la pause méridienne. C’est le moment où le maximum d’enfants sont présents et mélangés. C’est l’occasion de vivre ensemble et de favoriser la mixité sociale.
Gilles Platret, le maire de Chalôn-sur-Saône, estime que les menus de substitution obligeraient à un regroupement confessionnel des élèves. Y a t-il eu des remontées dans ce sens ?
Si on inverse la situation, dans certains établissements d’Île-de-France, 95 % d’enfants ne consomment pas de porc ou pas de viande. Est-ce que les autres qui sont là, à qui on sert de la viande, cela va les exclure ou les rassembler entre eux ? Ce principe, pourquoi il fonctionnerait dans un sens et pas dans l’autre ? Pour moi c’est un faux argument. Nous avions écrit très clairement dans un document que, pour apprendre à vivre ensemble, il était impensable de faire des tables par types de menus. Dans un libre-service de collège ou lycée, quand il y a des menus au choix, les enfants ne se regroupent pas en fonction des menus.
Les menus de substitution représentent-ils un surcoût pour les communes ?
Concernant le prix de ces menus, on entend deux sons de cloche chez les responsables municipaux. Dans certaines communes il est probable que ces menus soient plus chers, comme il est probable qu’ils ne coûtent pas plus chers dans d’autres. Il faut savoir qu’aucune famille ne paye 100 % du prix de la pause méridienne. Un enfant, le midi, on le sert, mais on l’accueille et on le surveille aussi pendant toute la durée de la pause. Peut-être que certaines communes, pour faire des économies, souhaitent avoir moins d’enfants.
A Lyon, un établissement a introduit un troisième menu sans viande. On a vu les effectifs au restaurant scolaire augmenter de 10 % à 12 %.
Comment trouver un compromis autour des menus à la cantine, selon vous ?
Nous prônons de passer au menu sans viande. Le menu sans porc est historique. Il a été mis en place en France à la fin des années 60 avec la fin de la guerre d’Algérie et le retour des harkis. A l’époque, l’Education nationale avait émis une note de service pour proposer des menus sans porc aux jeunes qui arrivaient et qui n’avaient jamais mangé de porc dans leur pays. Mais distribuer des menus avec une coloration confessionnelle, halal ou casher, pose un problème. C’est pour cela que le menu sans viande permet de répondre aux besoins de l’enfant, car cela veut dire que le poisson est possible.
Doit-on revenir sur les repas de Noël à la cantine ou sur le poisson le vendredi ?
Noël est aujourd’hui une fête culturelle plus que cultuelle. Beaucoup de communes, pour éviter l’ambigüité, appellent cela le « repas de fin d’année. » Mais le fait d’appeler cela un repas de Noël n’a, pour moi, rien de religieux. Cette fête est dans le calendrier. Certaines communes continuent de garder l’habitude du poisson le vendredi car les livraisons de poisson n’étaient pas aussi organisées qu’actuellement dans certains endroits, elles étaient plutôt en fin de semaine. L’Eglise catholique a changé ces règles-là depuis longtemps.
Y a t-il de plus en plus de demandes diverses des familles concernant les repas à la cantine ?
Je connais une commune où il n’y avait pas de demandes formalisées. On a mené une enquête et on s’est rendu compte que plus du tiers des familles qui refusaient d’inscrire leur enfant au restaurant scolaire le faisaient car il n’y avait pas de deuxième menu. En fait, la demande était latente, mais non formalisée. Dans une autre commune de la ville de Lyon, un établissement a introduit un troisième menu sans viande. On a vu les effectifs au restaurant scolaire augmenter de 10 % à 12 %.