Tout change pour que rien ne change. Ainsi pourrait-on qualifier l’apparente « révolution de palais » introduite par le roi d’Arabie saoudite, Salman ben Abdelaziz, en propulsant son fils Mohammed comme l’héritier du trône. Selon le décret de nomination officiel, MBS, comme il est couramment appelé, a été élu ce mercredi par 31 des 34 membres du comité de succession, qui réunit les principaux représentants de la famille Al Saoud. Une désignation qui court-circuite le cousin de l’actuel roi et premier dans l’ordre de succession, Mohammed Ben Nayef et qui, à 57 ans, s’est également vu retirer sa charge de ministre de l’Intérieur et responsable de la lutte antiterroriste. A 31 ans, MBS devient donc l’homme fort du royaume. Si son jeune âge et son dynamisme tranchent clairement avec ceux de ses futurs prédécesseurs, Mohammed Ben Salman n’est pas pour autant « un bleu » malléable à souhait. Le fils aîné de la troisième épouse du roi d’Arabie est aussi surnommé, dans les missions diplomatiques sur place, « Mr Everything ». Entendez que le jeune Mohammed accumule, depuis l’arrivée de son père à la tête de l’Etat en janvier 2015, les fonctions de ministre de la Défense, de chef de la Cour royale, de président du Conseil économique et de développement, de vice-prince héritier, de second vice-Premier ministre et, last but not least, de directeur du Conseil économique et des affaires de développement, qui n’est autre que l’organe de supervision de la toute-puissante compagnie pétrolière nationale Aramco.
MBS ou « Mr Everything »
Aussi, les derniers chamboulements géopolitiques dans le Golfe persique – de la démonstration de force de l’Arabie au Yémen et face au Qatar et à l’Iran jusqu’au rapprochement avec les Etats-Unis de Donald Trump – ont beaucoup à voir avec l’influence du jeune prince. Mohammed Ben Salman avait notamment été chargé de négocier un accord commercial d’un montant pharaonique de 110 milliards de dollars pour l’achat d’armements militaires aux Etats-Unis, accord conclu lors de la récente tournée de Trump dans la région et en Europe. Sa nomination représente en outre un signal fort d’engagement du royaume dans son « Projet de Vision pour l’Arabie en 2030 », qui vise à réduire la dépendance au pétrole de l’économie saoudienne et la diversification de ses sources de revenus et d’investissements. Un changement de paradigme majeur pour un Etat qui doit une grande part de sa force de frappe financière à l’exportation d’hydrocarbures, dont les cours suivent une pente structurellement – et dangereusement – descendante.