Nous apprenions fin avril la fermeture administrative de la mosquée de Torcy, et, le 3 mai dernier, la dissolution, par le ministère de l’Intérieur, de l’association Rahma gérant le lieu de culte. Nul ne peut ignorer le fléau de la radicalisation islamiste qui nous assaille, et les mesures qui doivent être prises pour protéger les population de la violence djihadiste et terroriste. Je suis le premier à m’engager dans la lutte contre l’extrémisme et l’obscurantisme et à estimer que la Justice doit être le garant de nos libertés et doit punir les criminels. Mais j’ai aussi toujours défendu, avec vigueur, la liberté d expression comme celle de culte, et ai toujours exercé un rejet féroce contre les jugements hâtifs et mortifères, influencés par le dogmatisme sociétal et la bien-pensance politico-judiciaire enfermée dans le qu’en-dira-t-on ; et, n’étant pas législateur j’ai toujours eu à cœur de faire triompher vérité et justice.
« Il s’agit de ne pas condamner à la hâte »
Aussi, si la mosquée de Torcy a été fermée suite à « des faits précis et circonstanciés », d’après une note blanche émise par les renseignements généraux, et divulguée, en partie, par l’ordonnance du tribunal administratif de Melun ; il n’en manque pas moins que des zones d’ombre subsistent dans ce dossier, trop vite jugé selon moi, trop peu transparent. En effet, l’imam de la mosquée de Torcy aurait tenu des propos poussant à la radicalisation, affirmant que « la France menait, au nom de la liberté, une guerre contre les musulmans et qu’ils allaient combattre grâce aux jeunes et à Allah » ou encore qu’il aurait fait référence au djihad en termes positifs, saluant son œuvre de destruction des ennemis de l’Islam, en France et ailleurs.
En effet, de tels propos, s’ils furent tenus, s’avèrent dangereux et condamnables. La parole de l’imam venant placer les musulmans dans une position victimaire, faisant écho à un sentiment de rejet chez certains, et utilisant les fractures sociales et culturelles, dans une perspective propagandiste mortifère et profondément néfaste. Défendre de la sorte la division et le prosélytisme, en incitant à la haine, est une honte indigne de l’Islam, et un acte répréhensible. Mais il s’agit de ne pas condamner à la hâte, se précipitant vers des raccourcis parfois trop faciles dans le contexte actuel, guidés par la peur de l’autre, et les amalgames grandissant avec les attentats, nourrissant les esprits apeurés et obscurs d’un racisme malheureux et déplorable. Monsieur Bouhnik, professeur de mathématiques et imam de la mosquée de Torcy donc, s’il a tenu ces propos, devra alors être condamné.
« Il faut une enquête approfondie et une justice la plus juste possible »
Mais où sont donc les preuves ? Fermer la mosquée, suspendre l’activité de l’imam, l’empêcher d’exercer en tant que professeur… Tout ceci ne détruirait-il pas la vie d’un homme et n’égratignerait-il pas l’image d’une religion et de ses pratiquants, de façon hâtive et dévastatrice ? Si le traitement médiatique et politique focalise l’attention sur des situations exceptionnelles d’imams coupables d’apologie du terrorisme et de prosélytisme, il faut tout de même rappeler que l’écrasante majorité des hommes qui guident le rituel islamique dans les 2 500 lieux de culte musulmans en France ne sont pas ainsi. Très minoritaires, les réactionnaires et radicaux n’incarnent pas à eux seuls la réalité de l’imamat en France ! Et appréhender le magistère à l’aune de ses représentants extrémistes — parfois vite catalogués — me paraît réducteur. Autant que de considérer tout prête catholique comme pédophile ! Ne nous abaissons pas à l’amalgame et à la métonymie constante. Cela est dangereux.
Dans le cas particulier de Torcy, les avocats de l’association Rahma contestent les accusations à l’égard de l’imam : en effet aucune preuve des propos qui auraient été tenus par l’imam au cours de ses prêches, ceux-ci sont affirmés, péremptoires, pour autant pourquoi aucun témoignage, enregistrement, n’en attestent ? De plus, la note blanche n’est ni datée, ni signée. Ce qui viole l’article 429 du Code de procédure pénale relatif au formalisme du procès-verbal, qui doit être horodaté et signé. Un peu léger donc pour fermer une mosquée et condamner un homme, non ? D’autant plus que cette fermeture pourrait être une réappropriation politique du procès Cannes-Torcy et une opération de communication dans un contexte préélectoral. Près de deux ans seulement après le début de l’état d’urgence, l’Etat se rendrait compte de la nécessité de fermer la mosquée ? Cela paraît arriver bien tardivement et laisse place au doute quant aux motifs réels de cette fermeture administrative faisant grand bruit. Les avocats de l’association, Me Bourdon et Me Brengarth, ont exercé un recours en référé contre l’arrêté portant fermeture administrative… Affaire à suivre, donc, en espérant une enquête approfondie et une justice la plus juste possible.