Après une série de déconvenues devant les tribunaux, l’administration Trump vient de réécrire sa loi d’interdiction d’entrée aux Etats-Unis pour les ressortissants musulmans : le MuslimBan 3.0. Cette fois-ci, les fonctionnaires se sont appliqués à éviter de cibler ouvertement les personnes en raison de leur appartenance religieuse. Le décret présidentiel inclut dorénavant la Corée du Nord et le Vénézuéla — deux pays en conflit diplomatique ouvert avec les Etats-Unis — en plus des pays à majorité musulmane que sont la Somalie, le Yémen, la Syrie, la Libye et l’Iran. Seront bannis du territoire américain les touristes, aussi bien que les personnes souhaitant se faire soigner et les familles des résidents américains. Les seules personnes qui auront un répit sont celles dont le permis de résidence n’a pas encore expiré mais qui devront plier bagages à la date fatidique.
Les organisations de défense des droits civiques comme le Conseil pour les Relations Américano-Islamiques (CAIR) considèrent le nouveau « MuslimBan » comme l’illustration d’un « agenda suprémaciste blanc. » Pour le directeur exécutif national de l’organisation américaine, Nihad Awad, « cette dernière itération du discriminatoire et anticonstitutionnel ‘MuslimBan’, associée à la lutte contre les athlètes professionnels qui exercent leurs droits du premier amendement et une réticence à condamner les néonazis à Charlottesville, démontre une fois de plus que le président Trump ses opinions et ses politiques font partie d’un agenda de la suprématie blanche. »
Viser les musulmans : le péché originel de Donald Trump
De son côté, l’ACLU, organisation historique de défense des libertés civiles, n’est pas en reste. Elle promet une nouvelle bataille devant les tribunaux. Son directeur exécutif Anthony D. Romero déclare que « le fait que Trump ait ajouté la Corée du Nord -— de laquelle viennent peu de visiteurs aux Etats-Unis — et quelques fonctionnaires du gouvernement vénézuélien ne change rien au fait réel que l’ordre de l’administration demeure une interdiction contre les musulmans. Le péché originel du président Trump visant à cibler les musulmans ne peut être guéri en lançant d’autres pays sur sa liste d’ennemis. »
Mais la bataille s’annonce beaucoup plus compliquée qu’auparavant. Les décrets précédents étaient limités à 90 jours et ses partisans pouvaient calmer les esprits en le leur rappelant. Sauf que les interdiction prononcées par les juges de Virginie, de Californie et du Maryland ont poussé l’administration Trump à apprendre de ses erreurs. La nature islamophobe du décret a été diluée avec l’inclusion de la Corée du Nord et certains fonctionnaires du Vénézuela.
La grande surprise a été le retrait du Soudan de la liste. Ce dernier semble tirer profit de son soutien à la guerre au Yemen aux côtés de l’Arabie Saoudite et des Emirats Arabes Unis par l’envoie de quelque 6 000 soldats envoyés sur place, selon son ministre de la Défense. Pour le site The Intercept, les Emirats auraient défendu la cause du Soudan auprès de l’administration Trump pour que la troisième itération du MuslimBan ne le mentionne pas et pour récompenser le pays de son alliance avec les deux monarchies du Golfe.
Les pays visés en conflit ouvert avec les Etats-Unis
Le décret n’a pas non plus épargné les réfugiés. Leur nombre d’admission sera réduit à 45 000, soit le taux le plus bas depuis 1980. Pour les organisations d’aide aux réfugiés telles HIAS, Refugee Council, le chiffre doit être revu à la hausse et ne pas descendre en dessous de 75 000 personnes en raison de l’augmentation des crises humanitaires à travers le monde. Chacune des organisations a lancé une campagne de mobilisation pour que le nombre de réfugiés admis soit revu à la hausse.
Pendant que la confrontation prend forme, les effets du MuslimBan, eux, sont déjà perceptibles. Selon les analyses de l’agence Reuters, « les visas délivrés en moyenne par mois aux citoyens des six pays visés par l’ordonnance étaient inférieurs de 18 % pour par rapport au mois précédant. » Les réfugiés syriens, somaliens et yéménites — dont les pays sont ravagés par la guerre — payent une lourde facture tout comme les pays avoisinants qui sont déjà fortement mobilisés pour les accueillir et manquent cruellement de moyens.
Le point commun entre tous les pays ciblés par le MuslimBan, c’est que tous sont soit actuellement bombardés par les Etat-Unis soit en conflit ouvert avec le pays. L’exemple du Soudan démontre que l’argument sécuritaire ne tient pas debout et que, si un pays a les bons relais à Washington ou que Trump a des intérêts économiques, le MuslimBan ne tiendra pas.