Construite à l’initiative des mourides, l’une des confréries les plus importantes de ce pays d’Afrique de l’Ouest avec celles de tidiane, des khadre et des layène, elle est implantée sur un ancien site marécageux de six hectares mis à disposition par l’Etat dans le quartier populaire de Bopp.
La mosquée Massalikul Jinaan (les chemins du paradis), dont le nom est inspiré du titre d’un des poèmes (khassaides) du fondateur au XIXe siècle du mouridisme, Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, se veut ouverte à l’ensemble des fidèles musulmans, insistent ses promoteurs.
Les mourides, qui « dominent les secteurs du commerce, de l’import-export, de l’agriculture ou encore des médias », selon le chercheur Cheikh Guèye, frappent un grand coup en s’implantant spectaculairement au coeur de Dakar.
Ils tiennent « un symbole de cette puissance économique (qui) renforcera leur influence culturelle et politique. La Mosquée Massalikul Jinaan, aspiration de longue date, marque l’appropriation définitive par les mourides » de Dakar, ville choisie par la France comme capitale du Sénégal, a ajouté le spécialiste, en rappelant l’origine rurale du mouridisme et les persécutions coloniales contre son fondateur.
L’édifice, recouvert de marbre blanc de Carrare est présenté par la confrérie comme « la plus grande mosquée en Afrique de l’Ouest ».
Style oriental
Elle est dotée de cinq minarets, dont le plus haut culmine à 78 mètres. Ses salles de prière peuvent accueillir 15.000 personnes, autant que son esplanade entourée d’espaces verts. Son intérieur est paré d’un dôme doré, de lustres monumentaux et des décorations faites « à la main par des Marocains, dans un style oriental », selon un responsable mouride.
« Avec ce bijou, nous n’avons aucun complexe par rapport à ce qu’on voit dans les pays arabes et ailleurs en Afrique. C’est un évènement pour tous les Sénégalais et toute la communauté islamique » mondiale, a estimé le coordinateur des travaux, Mbackiyou Faye.
En Afrique, elle sera toutefois plus petite que la mosquée Hassan II de Casablanca, au Maroc, (9 ha, un minaret de 210 m et une capacité totale de 105.000 fidèles), ou celle en cours d’achèvement à Alger (20 ha, un minaret de 265 m et 120.000 fidèles).
Fondateur du mouridisme et symbole de résistance, Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, qui n’a jamais pris les armes, avait été contraint par les autorités coloniales françaises à l’exil au Gabon (1895-1902) puis en Mauritanie (1903-1907), avant d’être placé en résidence surveillée dans le nord du pays. Il est décédé en 1927 à Diourbel (centre).
Alors que la capitale sénégalaise vit dans la ferveur des préparatifs depuis plusieurs jours, ses fidèles, qui lui vouent un important culte, étaient des milliers à accueillir dimanche à Dakar son petit-fils et actuel calife général des mourides, Serigne Mountakha Mbacké.
Né au début des années 1930, Serigne Mountakha Mbacké vit la majeure partie de l’année à Touba (centre), principale ville sainte de la confrérie, devenue sous son influence la seconde agglomération du pays.
Edifiée grâce aux dons
Après une veillée jeudi soir, le calife général doit assister vendredi autour de 14H00 (GMT et locale) à la grande prière hebdomadaire, en présence du président Macky Sall. L’ex-président Abdoulaye Wade, présent lors de la pose de la première pierre en 2009, a également été invité.
« Il serait hasardeux d’avancer un montant exact » pour l’édification de la mosquée et le complexe qui l’accompagne, mais il va « dépasser les 20 milliards de FCFA » (plus de 30 millions d’euros), selon le coordinateur des travaux Mbackiyou Faye. Un institut islamique, une résidence et un musée devraient voir le jour à proximité.
Cette somme importante, dans un pays où la pauvreté touche environ 40% de la population, a été entièrement recueillie auprès des fidèles à travers des dons, auxquels ont contribué de grandes fortunes sénégalaises, des chefs religieux, des personnalités politiques et de grandes entreprises.
Le gouvernement a quant a lui débloqué sept milliards de francs CFA (10,5 millions d’euros) pour la voirie, l’assainissement et l’éclairage des alentours, selon le ministre des Infrastructures, Oumar Youm.