Faudra-t-il désormais présenter un ticket de caisse prouvant que l’on a acheté un avocat israélien chez Carrefour avant de pouvoir prétendre fouler le sol israélien ? En tout cas, le Parlement d’Israël a voté ce lundi une loi qui va dans ce sens : le texte interdit l’accès aux partisans du boycott de produits israéliens. « Aucun visa ou aucune autorisation de séjour de quelque type que ce soit ne sera accordé à une personne n’étant ni un citoyen israélien ni un résident permanent si elle, ou l’organisation ou l’institution dans laquelle elle milite, a sciemment lancé un appel public à boycotter l’Etat d’Israël ou s’est engagée à prendre part à un tel boycott », indique la Knesset. Haaretz, le journal israélien cité par Le Monde, indique que cette loi pourrait bien être utilisée « à l’encontre des Palestiniens vivant en Israël avec le statut de résident non permanent. »
La fin de la liberté de penser et de s’exprimer ?
Le vote de ce texte montre la radicalisation de la Knesset. Dernièrement, un texte a permis de légaliser les colonies israéliennes dans les territoires occupées. La loi anti-BDS, elle, est un coup supplémentaire porté par l’extrême droite à la liberté de penser. Car à travers elle, Israël tente d’empêcher quiconque de critiquer sa politique de colonisation. Le boycott est un levier d’action majeur, le plus pacifique qui soit. Le 8 juillet 2011, un jugement de la 17e chambre correctionnelle de Paris a indiqué que l’appel au boycott faisait partie de la liberté d’expression — avant que la Cour de cassation ne le juge illégal en octobre 2015. En refusant aux partisans de BDS l’accès sur son sol, Israël montre sa volonté d’étouffer toute contestation à son encontre. Faudra-t-il bientôt affirmer que l’on est pour la colonisation pour pouvoir se rendre dans ce pays, passage obligé pour aller en Palestine ?
Le boycott, de la colonisation britannique à l’apartheid sud-africain
Nées il y a près de deux siècles dans les pays anglo-saxons, les campagnes citoyennes de boycott sont courantes et n’ont pas toujours concerné qu’Israël. Les produits britanniques avaient été boycottés pour protester contre la colonisation britannique dans les années 1920, tout comme les produits sud-africains un demi-siècle plus tard pour s’élever contre l’apartheid. Il en a été de même pour les produits chinois, en signe de contestation contre le sort réservé aux Tibétains. Jamais un mouvement partisan du boycott et pacifique n’a été poursuivi pénalement dans une démocratie. Aux Etats-Unis par exemple, comme l’a rappelé la Cour suprême américaine en 1982, l’appel au boycott est autorisé, grâce au premier amendement de la Constitution. Aujourd’hui, après le chantage à l’antisémitisme, Israël a décidé de faire taire BDS à sa façon. Preuve s’il en fallait de l’impact de la campagne de boycott.