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Les prières dans les rues ne sont pas illégales et n’ont rien à voir avec la laïcité

Le 10 novembre, Valérie Pécresse, accompagnée de plusieurs élus du Front National, a décidé de chanter « La Marseillaise » et bousculer les fidèles musulmans de Clichy en raison de la pratique des prières dans la rue. Si le principe des prières de rue peut emporter plusieurs critiques, il n’en demeure pas moins que l’Etat a des obligations ès qualité de garant de la liberté de culte.

La laïcité, principe le plus instrumentalisé dans les prières de rue

Le principe de laïcité de l’Etat a toujours bon dos. On lui fait dire tout et n’importe quoi. La laïcité n’interdit pas la manifestation collective et publique de sa foi. D’ailleurs, les processions publiques y sont encadrées et autorisées, conformément à l’article 27 de la loi du 9 décembre 1905. Quoi qu’il en soit, les élus de la droite dure et du Front National, qui semblent être unanes lorsqu’il s’agit des prières musulmanes dans la rue, réclament l’application du principe de laïcité qui n’a rien à voir en l’espèce.

En réalité, la laïcité ne peut pas venir interdire de manière générale et absolue une pratique religieuse ou une manière de s’habiller. D’ailleurs, lors de l’adoption de la loi de 2010 relative à la dissimulation du visage dans l’espace public, le Conseil d’Etat n’avait pas hésité à rappeler que la loi ne se fondait pas sur le principe de laïcité de l’Etat mais bien sur l’ordre public.

L’Etat garantit l’exercice du culte aux différentes religions présentes en France. Il s’agit d’un principe fondamental. C’est notamment au regard de ce principe que sont pratiqués les baux emphytéotiques administratifs permettant de créer un lieu de culte avec un loyer symbolique. Faisant suite à des propositions du rapport Machelon, la mise en œuvre d’un financement particulier afin de permettre aux musulmans de bénéficier d’un lieu de culte avait été mis en place par la loi.

Une demande des fidèles musulmans depuis des mois

Les fidèles de Clichy réclament depuis plusieurs mois déjà – On se souvient de l’obsession de Marine Le Pen sur le sujet pendant la Présidentielle – un lieu de culte décent pour pouvoir pratiquer leur culte. La commune refuse constamment de proposer une solution politique à ce grand inconfort des fidèles musulmans, lesquels ne sont nullement amusés de prier dans la rue.

Si la solution n’est évidemment pas dans la pratique des prières de rue – ce qui revient d’ailleurs à remettre en cause le but initial de celle-ci – il n’en demeure pas moins que la présence de l’Etat à Clichy, sans solution politique, est un échec à long terme. En effet, marqué par une opinion publique défavorable, les lieux de culte musulman n’ont pas le vent en poupe dans les communes, sauf que les fidèles musulmans ne font que s’accroitre en France.

Les collectivités sont souvent débordées et ne savent pas réellement comment articuler un droit fondamental – la liberté de culte – avec une situation politique locale défavorable. Quoiqu’il en soit, si tous ces acteurs se sont retrouvés à Clichy, ils auraient dû proposer une solution aux Clichois pour mieux gérer la situation. Au lieu de s’empresser à chercher une solution, les élus ont sauté sur l’occasion afin d’instrumentaliser politiquement la situation en mettant en avant des images de fidèles musulmans prosternés dans les rues, donnant l’impression d’un retour à la période de la Reconquista. Cette situation a d’ailleurs très bien été décrite dans L’islam imaginaire de Thomas Deltombe.

Instrumentaliser pour légiférer ?

Cette polémique prend les allures de bien d’autres déjà vues : Burkini, loi sur le voile intégral, cantine scolaire ou encore voile à l’université. Quoiqu’il en soit, les polémiques ont toujours suscité le désir ardent, au sein de la représentation nationale, de légiférer afin de restreindre les droits. Or, les fidèles musulmans sont accaparés par des terroristes agissant au nom de leur religion et des politiques qui instrumentalisent toute demande provenant de ces derniers comme un fait souhaitant provoquer un effondrement civilisationnel.

Cette méthode doit changer. La République garantit les droits des minorités et des opprimés. Il appartient à l’Etat d’assurer un lieu de culte à ces musulmans plutôt que d’adopter une énième législation visant les musulmans de France et de susciter un débat national sur la question. Ce serait donner du crédit aux thèses du Grand Remplacement et n’apportait aucune réponse concrète aux problématiques de la ville.

Asif Arif est avocat au Barreau de Paris, auteur et conférencier spécialisé sur les questions d’Islam et de laïcité. Il publie aux éditions La Boîte à Pandore « Outils pour maîtriser la laïcité », octobre 2017.

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