Medgar Evers, Malcolm X ou encore Martin Luther King… Les figures de la lutte contre le racisme anti-Noirs aux Etats-Unis sont aujourd’hui célèbres. James Baldwin fait partie de ceux-là. Ce mercredi sort le documentaire « I Am Not Your Negro. » Comme un symbole, le jour de la commémoration de l’abolition de l’esclavage en France. Dans ce film, le réalisateur Raoul Peck fait part des écrits de l’écrivain noir américain James Baldwin. L’homme a grandi à Harlem. Et le racisme, il connaît. A l’âge de 10 ans, James Baldwin est battu par des policiers blancs. C’est à ce moment-là qu’il prend conscience qu’il est noir.
Baldwin est sans doute celui qui a le mieux décrypté le racisme dans la littérature. Faisant part dans ses écrits mais aussi en interviews de ce qu’il ressentait : « J’avais honte d’où je venais », explique l’écrivain, qui continue : « J’avais honte de la vie dans l’Eglise, honte de mon père, honte du blues, honte du jazz, et bien sûr honte de la pastèque. Tout ça, c’était les stéréotypes que ce pays (les Etats-Unis, ndlr) inflige aux Noirs : que nous mangeons tous de la pastèque et que nous passons notre temps à ne rien faire et à chanter le blues. » De quoi perdre sa personnalité : « J’étais vraiment parvenu à m’enfouir derrière une image totalement fantastique de moi qui n’était pas la mienne, mais l’image que les Blancs avaient de moi », explique James Baldwin.
L’auteur n’hésitait pas à dénoncer le mutisme des Blancs. Car si le racisme était politique ou policier, la population américaine a souvent fermé les yeux sur ce problème : « Le plus consternant est que toutes ces choses ne seraient peut-être pas aussi terribles si, lorsque vous vous retrouvez devant des Blancs pleins de bonne volonté, vous ne vous rendiez pas compte qu’ils ne savent rien de tout cela, et n’en veulent rien savoir », expliquait Baldwin. « C’est ça la force de Baldwin. Ce qu’il critique c’est ce manque d’empathie de la majorité de la population face aux autres, face à l’autre », explique le réalisateur du documentaire, qui affirme avoir fait un film qui « ne s’adresse pas aux Noirs particulièrement, ni aux Blancs malgré les critiques que leur porte Baldwin, mais c’est à l’être humain, en face de vous. »
Si Baldwin admet que les chantres de la lutte contre le racisme, comme Martin Luther King, ont fait beaucoup pour la cause noire en Amérique, l’écrivain sait aujourd’hui qu’on est loin d’avoir résolu les plus gros problèmes. Et « tant que cette situation ne sera pas améliorée, et très, très rapidement, il y aura de la violence », prédisait-il en 1948. Plus d’un demi-siècle plus tard, si les choses ont évolué, elles n’ont pas changé. L’élection de Donald Trump aux Etats-Unis a d’ailleurs libéré un peu plus la parole. Et les actes. Dans les dix premiers jours qui ont suivi son élection, près d’un millier d’incidents à caractère haineux ont été constatés, dont 300 qui visaient des immigrés ou des musulmans. Quant aux crimes commis contre des Noirs — Michael Brown à Ferguson ou encore Eric Gardner à New York —, ils n’ont aujourd’hui pas été punis. « I Am Not Your Negro » est un film salvateur, à voir absolument.