Suite aux affaires mettant des dirigeants politiques, Karim Achoui revient sur la présomption d’innocence à géométrie variable selon qu’on est homme politique ou footballeur.
Nouvelle du jour : Patrick Balkany sera à nouveau candidat, investi par Les Républicains pour les législatives 2017, dans sa circonscription des Hauts-de-Seine. Aurait-on oublié que Monsieur Balkany est mis en cause dans plusieurs affaires judiciaires ou ces petites incartades sont seulement considérées comme désinvoltes et négligeables dans le CV du maire de Levallois-Perret ? Les charges pour lesquelles il est poursuivi ne sont pourtant pas anodines, qui plus est venant d’un élu de la République qui se clame et se proclame « républicain. » Balkany est en effet poursuivi depuis octobre 2014 pour blanchiment de fraude fiscale, corruption passive et blanchiment de corruption, soupçonné d’avoir dissimulé des biens au Fisc; en octobre 2015 il est à nouveau poursuivi pour fraude fiscale, il aurait été jusqu’à organiser son insolvabilité ; enfin, en janvier 2016, il est encore poursuivi par la parquet national financier pour des déclarations mensongères sur son patrimoine. Sans oublier, bien sûr, l’apparition, non moins attendue, de son nom dans le scandale des Panama Papers.
Pour Karim Benzema est-il exclu de l’Euro 2016 ?
Mais, dites moi donc, le portrait de Monsieur Balkany ne ressemblerait pas davantage à celui d’un escroc qu’à celui d’un républicain démocrate convaincu et engagé en vue du bien commun ? Ne ressemblerait-il pas davantage à un opportuniste, se servant d’un système et d’une politique complices pour se moquer des citoyens qu’il est pourtant censé représenter ? Ne mériterait-il pas davantage le titre de « mafieux » plutôt que celui de député, lui qui opère en clan — son épouse, son fils étant également poursuivis pour des faits similaires (ça commence quand même à faire beaucoup !) — et qui abaisse la république à un vaste terrain de pouvoir, où les idéaux ne sont que prétextes, et fait de la gouvernance une chose vide et fantoche, un monstre puant ? Alors, en effet, l’on peut rétorquer à ces nombreuses accusations que prime, au-dessus d’elles, ce grand et beau principe de justice, qu’est la présomption d’innocence. Les Républicains se targuant ainsi de respecter la loi, ironique retournement de situation ; mais nous ne sommes pas dupes ! C’est au contraire un bafouement méprisant de la justice que ne cessent d’opérer nos politiques, de tous bords, s’érigeant en tout-puissants, agissant en despotes, au mépris du peuple, de l’électorat, de concitoyens.
Parce que certes, Balkany peut bénéficier de la présomption d’innocence, certes, son parti peut décider de ne pas l’écarter de la vie publique et politique. Mais alors, pourquoi Karim Benzema — sûrement le meilleur attaquant français actuellement, et qui a brillé au sein de son club, le Real Madrid — est-il exclu de l’Euro 2016 ? Mis sur le banc de touche, et ainsi stigmatisé, rapidement écarté… Soit-disant parce qu’une affaire judiciaire dans laquelle il serait impliqué, est en cours. Très bien, mais alors, nous pourrions considérer, dans une réelle démocratie j’entends, respectant donc les valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité, qu’il en est de même pour les politiques. Alors quoi ? Le sport et les joueurs médiatisés sont un modèle, ils doivent montrer l’exemple, et Benzema serait un voyou indigne de la sélection française, déchu, inapte à représenter la France ?! Par contre, Balkany, un élu de la République aux maintes mises en examen, lui, ne serait pas un mauvais exemple, non…il est un « escroc de haut vol », un escroc dissimulé, tolérable et toléré dans la démagogie ambiante. Pourquoi donc ces différences de traitement, peut on naïvement et légitimement se demander : peut être parce que Karim Benzema c’est plus connoté voyou que Patrick Balkany dans une France raciste emplie de préjugés… c’est moins français… Peut être donc parce que Karim Benzema n’est pas protégé au même titre que les grands « intellectuels » que sont les politiques ; qu’il a été pris comme cible, bouc émissaire de la République.
Un racisme ancré dans notre société
Rappelons tout de même que Benzema est poursuivi pour une affaire, Balkany pour plusieurs… À part ça, c’est quand même Benzema qui paie et non Balkany. Et ce n’est pas fini, on apprend à l’instant l’investiture de Georges Tron, tout de même en attente de son procès aux assises pour viol sur deux anciennes employées municipales… un cas d’une gravité assez remarquable, mais qui, là encore, ne semble guère choquer, on préfère charger Benzema et salir son image, c’est plus facile, plus « normal »… On ne peut que constater avec dépit qu’une grande partie de la classe politique est confrontée à la justice, pour pas dire qu’elle est corrompue : d’Emmanuelli, à Cambadelis, en passant par Juppé et Nicolas Sarkozy. Baupin dernièrement accusé de harcèlement sexuel, n’en demeure pas moins député ! Alors oui, la présomption d’innocence existe, mais a priori pas pour tout le monde. Les politiques indignes en ont décidé autrement. Comment ne pas voir là une France discriminante et pleine de problématiques identitaires, sociales, qui a fait d’un racisme primaire, empli d’ignorance et de rejet systémique de l’autre, un racisme ancré dans notre société, une islamophobie morbide, dans un monde confronté à des inégalités croissantes dont j’espère que ça ne deviendra pas un mal incurable!